Séance du 11 février 2014
Thème : les Roms
Débatteurs : Bernard Jouanneau, Madame Claude Boucher (Ligue des Droits de l’Homme)
Mémoire 2000 se faisait un devoir de projeter un film sur les Roms : sujet d’une actualité brûlante, renforcée ces derniers mois par des déclarations fortement controversées du Ministre de l’Intérieur.
Le film-documentaire présenté, montre l’action admirable, en 2003, d’un collectif de soutien aux Roms, à Achères (Yvelines). Toute la ville s’était mobilisée pour empêcher l’expulsion des Roms et les reloger dignement. Pour en débattre, outre notre Président Bernard Jouanneau, Madame Boucher, de la Ligue des Droits de l’Homme, qui s’occupe particulièrement de ces problèmes, nous a enrichis de son expérience.
Tous deux insistent sur le fait que nous ne pouvons en aucune façon rester indifférents à la situation des Roms, Européens comme nous. On rappelle que, avant la guerre, les Puces de la Porte de Clignancourt ont été créées par des Roms, appelés alors “les biffins”. A l’époque, déjà, ces populations étaient sans cesse pourchassées, notamment par la police roumaine. De nos jours, des associations sont subventionnées pour leur venir en aide, des soins médicaux leur sont assurés (Médecins du Monde, Hôpital Saint-Antoine), des réseaux de militants ont été créés pour engager des démarches administratives, éviter les expulsions et leur fournir des papiers.
Pas très concernés au début, les élèves ont néanmoins posé des questions très pertinentes :
Q : Les préfets semblent vouloir protéger Paris et la région parisienne. Où donc sont envoyées les familles ?
R : En effet, des familles de Roms en viennent à errer dans Paris, parfois attaquées (Bastille, Ménilmontant, République). Mais certaines familles de Parisiens les soutiennent, la priorité étant la scolarisation des enfants, rejetés de partout. Et l’errance gagne l’Ile-de-France, Lyon, Grenoble, Montpellier. La plupart sont sédentaires, vivent en caravanes, et sont sans travail. Dans les villes, ils arrivent à se débrouiller, mais dans les campagnes, ils n’ont souvent rien à manger.
Certains ont passé 5 ans dans des bidonvilles, et vivent sur le mode Résistance : ils ne veulent plus partir, et veulent s’intégrer, acceptant le plus souvent la scolarisation. Or, on les pousse dehors : ils n’auraient pas “vocation à s’intégrer”. Des formalités engagées auprès de Pôle Emploi ont donné fort peu de résultats. Des réseaux, confortés par la politique actuelle, empêchent les enfants d’aller à l’école. Une association du 10ème arrondissement, Roms Civiques, réunit de jeunes Roms et de jeunes Français qui font un service civique dans la Communauté. La situation n’est donc pas complètement figée, “ça bouge”.
Q : Quelles mesures sont prises contre les Roms qui sont dans des réseaux de prostitution, de mendicité, etc. ?
R : Il est vrai que ces réseaux agissent en toute impunité, et il n’y a pas beaucoup de procès. Sitôt démantelés, ils se reconstituent, le plus souvent composés de mineurs, qui restent des victimes. Ils entrent dans les bidonvilles pour être protégés. Des associations tentent de pénétrer ces réseaux, qui refusent que les enfants prostitués soient scolarisés. La Brigade des Mineurs est totalement inefficace.
Q : En Roumanie, quelle différence les Roumains font-ils entre les Roms et eux-mêmes ?
R : Dans ce pays, il y a peu de travail, et la préférence nationale est la règle. Les Roms y sont pourtant depuis 200 ans, et les plus grandes différences existent dans les villes. Le terme Roms ne figure pas sur la carte d’identité. Pour ce qui nous concerne, il nous faut essayer de comprendre les stratégies des gens qui ont besoin de manger, de s’habiller et de travailler. Ce ne sont pas des “gens à part”, il n’y a pas de “spécificité rom”, de “culture rom”. Ce ne sont pas toujours des “gens du voyage”. Et pourtant, en Roumanie, des terres ne sont pas distribuées à ces Européens. Par ailleurs, très peu ont émigré (150.000 en tout). Tous les pays européens sont concernés. En Espagne, où ils sont bien plus nombreux, il y a réapparition du racisme, accentué par la crise économique. Il faut donc espérer que naisse une concertation à l’échelle européenne pour répartir les aides et favoriser la réinsertion.
Q : Les enfants Roms en France ont-ils accès au service civique ?
R : Oui, entre 16 et 25 ans, et ils échappent ainsi aux réseaux.
Les déclarations de nos gouvernants s’opposent aux notions de Liberté, de Droits de l’Homme, et aux valeurs qui sont les nôtres. Au lendemain des élections municipales, les bulldozers vont sans doute faire leur réapparition dans les bidonvilles. Et les descentes de policiers qui viennent rafler des enfants glacent certains d’entre nous, à qui cela rappelle une époque funeste. Aurions-nous donc perdu le sens du “vivre ensemble”? Il faut donc résister, se battre, ne rien laisser passer. C’est ainsi que, dans le 18ème arrondissement, la CIMADE, association d’origine protestante qui pendant la dernière guerre s’était illustrée en aidant des juifs, tente d’agir efficacement envers ces populations.
Pour terminer, un professeur-accompagnateur prend la parole pour rappeler que nous sommes tous membres de la Communauté Humaine, avec des spécificités qui ne sauraient être gommées.
Nous nous quittons donc sur ces paroles d’espoir. Espoir et avenir que représentent nos jeunes auditeurs.
Ils sont la relève.
Guy Zerhat