Journal de Janvier 2017: La Turquie manque l’occasion

On a pu espérer un temps, au mois de mars une éclaircie dans le paysage de l’Europe, grâce à l’accord conclu entre A. Merkel et l’ex-premier ministre turc Davitoglu.

Bien qu’il ait été contesté de toutes parts, cet accord qui devait mettre un terme à l’exode des migrants par la route des Balkans, a eu effectivement ce premier résultat escompté.

Les migrants qui sont restés bloqués en Grèce, en raison du blocage opposé par la Macédoine n’ont pas voulu retourner en Turquie et se trouvent consignés dans des camps de rétention administrative dénoncés par le secrétaire général de L’ONU, par les Grecs qui verraient aussi revenir les réfugiés qui leur seraient renvoyés par Bruxelles, en vertu de l’accord de Dublin.

On ne peut faire grief à la Turquie qui a déjà accueilli plus de 3 millions de réfugiés syriens et se déclarait prête, en contrepartie, à mettre sa législation en conformité avec les principes de l’Union. On doit cependant constater dix mois plus tard que la Turquie n’a rien modifié dans sa législation, que l’Union européenne n’a pas accordé les visas que réclamait la Turquie pour ses nationaux et que les négociations en vue de l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne sont dans l’impasse, au point que le gel de ces négociations a fait l’objet d’une résolution du conseil de l’Europe.

A qui la faute ? Aux européens et parmi eux à l’Allemagne ou aux membres de l’Europe de l’Est qui se sont barricadés, ou aux Turcs qui se sont rétractés, après avoir reçu les 6 milliards d’Euros que Mme Merkel leur avait accordés ?

Ce n’est pas à nous d’en décider. L’histoire devra s’en saisir et en rendre compte à l’humanité.

Il demeure que le nombre des exilés, réfugiés et migrants ne se réduit pas. On peut et on doit s’attendre à un accroissement du nombre des migrants qui chercheront inexorablement à rejoindre l’Europe.

Les arrestations arbitraires et les révocations de fonctionnaires à la suite du Putsch raté du mois de juillet ont provoqué en France un réaction menée par Robert Badinter qui a accepté de signer l’appel lancé par les avocats qui dénoncent : “la volonté du président Erdogan de museler toute opposition, les arrestations arbitraires qui s’inscrivent dans la dynamique de neutralisation des contre-pouvoirs à l’œuvre depuis plusieurs années et le gouvernement de la Turquie qui piétine les principes démocratiques”.

Cela n’a pas empêché le président Erdogan, qui tend à reprendre le costume de sultan, d’envisager le rétablissement de la peine de mort alors qu’il y avait renoncé en 2004 dans la perspective de l’adhésion de la Turquie à l’union Européenne.

On a même risqué de voir venir en discussion au parlement un projet de loi accordant l’amnistie aux coupables de viols, dès lors que leurs auteurs proposeraient le mariage à leurs victimes.

La liberté d’expression sévèrement contrôlée, se voit, désormais, asservie depuis l’arrestation du dirigeant du principal organe de presse le Curryet d’Istanbul… On est loin de satisfaire aux exigences de l’Union imposée par les accords de Bruxelles du mois de mars.

Quant à la reconnaissance du génocide arménien, autant en abandonner l’idée, malgré le vote du Bundestag, depuis le départ du premier ministre Davitoglu remplacé par Ylidrim qui ne veut pas en entendre parler.

Et pourtant il n’était pas nécessaire que la Turquie d’aujourd’hui reconnaisse la réalité du génocide, dès lors qu’il a été reconnu en 1919 par le régime ottoman resté en place jusqu’en 1922. Il suffisait que tout en le déplorant, le pouvoir en place admette que ce génocide avait été reconnu et même dénoncé et poursuivi par la “Sublime Porte”.

En assumant, au nom de ce principe universellement reconnu la responsabilité des actes commis par le régime ottoman, la République d’Atatürk a nécessairement reconnu la réalité de ce qui est advenu aux arméniens en 1915. Elle a donc bien manqué là une occasion.

Il demeure cependant une lueur d’espoir, si la communauté internationale voulait bien s’en saisir. Au lieu de poursuivre inlassablement cette course à la reconnaissance par les Etats, du génocide, mieux vaudrait instaurer un médiateur qui serait chargé de régler la question, en présence des réclamations de Arméniens, en examinant les possibilités de réparations collectives des préjudices subis, sans déclencher une série de recours individuels.

Cette médiation qui pourrait s’instaurer sous l’égide de l’ONU pourrait être confiée au représentant de l’humanité qui pourrait être élu par l’assemblée générale de l’ONU au même titre que son secrétaire général ainsi que par l’assemblée générale des Défenseurs des Droits, médiateurs et ombudsmans qui recevraient, au nom de l’Humanité, une mission institutionnelle qui mettrait fin aux querelles et permettraient aux Arméniens et aux Turcs de se retrouver.

C’est le vœu que je formule en ce début d’année, en espérant que ce projet d’accord qui passe par une “déclaration universelle des droits de l’humanité” dépasse les objectifs de l’accord de Bruxelles du 18 mars 2015 devenu caduc, et les polémiques sur la reconnaissance et l’indemnisation des génocides du XX ° siècle.

Bernard Jouanneau

 

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