Editorial du journal de Juillet 2015: « A l’aide! »

L’actualité du trimestre requiert notre vigilance en ce début d’été  et justifie de plus fort notre intervention. Le plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme du gouvernement peine à se mettre en œuvre. Son ambition semble le dépasser. Aucune des 40 mesures annoncées le 17 avril n’a vu le jour, sauf l’action de groupe qui vient d’être adoptée par l’Assemblée. L’accumulation des réformes envisagées laisse les associations comme la nôtre sur la touche. En tous cas elles n’ont pas été consultées.

Les observations du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale  sur le rapport de la France viennent de paraître et elles sont plutôt sévères. La France se refuse toujours malgré les relances pressantes des Nations Unies à lever les réserves qu’elle a émises lors de l’adoption de la convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, lui permettant de ne pas déclarer punissable la propagation d’idées racistes

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Sur le camp de Roms de la Folie (Bobigny), lors de l’évacuation du 21 juillet 2015 (crédit: Julien Mignot)

Le rapport de la CNDCH contient des critiques persistantes sur la situation faite aux Roms installés en France dans des campements illicites qui se dégrade davantage. Des enfants meurent du défaut de traitements ou de suivi médical qui devaient pourtant être mis en place selon la circulaire interministérielle du 26 août 2012.

Le centième anniversaire du génocide des Arméniens ne s’accommode pas de la myopie persistante de la Turquie qui persiste dans la voie du négationnisme aux limites de l’absurde. Et la France ne se décide toujours pas à se mettre en conformité avec la décision cadre du conseil des ministres de l’Union Européenne du 28 novembre 2008 qui impartissait aux états membres l’obligation d’adopter un régime de protection de la Mémoire offensée par la négation, la minimisation et la banalisation des génocides.

Nos tentatives de susciter une réaction du corps enseignant après les événements de janvier se heurtent à la réticence du “Mammouth”. Ni les professeurs, ni les parents d’élèves, ni les proviseurs et directeurs d’établissements n’ont trouvé le temps, depuis le mois de février, pour répondre à nos questionnaires.

A force d’insister, nous avons été reçus par un délégué de l’adjoint au ministre de l’Education à qui nous avions écrit, le préfet Gilles Clavreul nouveau délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme qui a bien voulu nous transmettre son plan aux quarante mesures, puis par le chef de cabinet de l’adjointe à la culture  du Maire de Paris, mais rien de concret ne résulte pour l’instant de ces rencontres. Tout cela relève de nos préoccupations constantes.

Un groupe d’Afghans arrive sur l’île de Lesbos après avoir voyagé dans un canot pneumatique de la Turquie vers la Grèce. (Photo : UNHCR / A. McConnell, 2015)
Un groupe d’Afghans arrive sur l’île de Lesbos après avoir voyagé dans un canot pneumatique de la Turquie vers la Grèce. (Photo : UNHCR / A. McConnell, 2015)

Mais la situation faite, en ce moment, aux migrants en provenance d’Erythrée et de Lybie est alarmante. Les images qu’on en a vues à la télévision sont dégradantes  en dépit de l’appréciation du ministre de l’Intérieur qui les trouvent “humaines”.

Alors qu’ils ont eu le courage de quitter leurs familles  et leurs pays, de s’embarquer au péril de leur vie, dans des convois de passeurs rapaces en Méditerranée, les voici aujourd’hui, malmenés par les CRS et les forces de police qui ont décidé d’évacuer les campements parisiens insalubres et de les pourchasser partout où ils cherchent ou trouvent un refuge provisoire. On ne peut oublier le souvenir qu’à laissé l’expulsion des sans papiers de l’église saint Bernard en 1996.

Ceux qui n’ont pas demandé formellement l’asile, parce qu’ils ont d’autres projets en tête, se voient dirigés vers des centres de rétention. Encore moins que les ROMS de Hongrie et de Bulgarie qu’en septembre 2013 le ministre de l’intérieur alors en fonction voyaient plutôt raccompagnés vers leurs pays d’origine, alors qu’ils avaient droit de séjour en Europe, les migrants de l’Afrique subsaharienne de l’Est ne pourraient-ils se voir accorder quelques délais, le temps de se retourner et de s’aviser de leur avenir et de celui de leurs proches ?

On dirait qu’il n’y a rien de plus pressé que de faire respecter la loi, en les renvoyant dans leur pays qui les persécute.

Les associations qui leur viennent en aide accomplissent au quotidien le devoir humanitaire élémentaire qui nous incombe et qui éveille l’attention du Défenseur Des Droits. Pour une fois, il nous semble que l’appel à l’humanité lancé par Cécile Duflot au président de la République, devrait être entendu « Il est grand temps de résister au vent mauvais de la xénophobie qui souffle partout sur le continent européen et inspire de bien mauvaises solutions aux gouvernants ».

Il semble qu’à l’instigation de la Maire de Paris des solutions provisoires peuvent être mises en place, mais ça ne règle pas le problème de fond et comme tout ne passe pas par le politique il serait temps de se réveiller et de

s’ apercevoir que nous sommes encore des privilégiés et qu’il serait juste de partager, même dans les difficultés que nous traversons qui vont se prolonger, les maigres profits de l’aisance dans laquelle nous vivons.

Quelles que soient les préoccupations du gouvernement, en prévision des réactions de l’opinion, il y a de quoi s’inquiéter des réactions des autorités publiques françaises à l’afflux de ces migrants de la corne de l’Afrique qui disent vouloir seulement traverser la France pour se rendre en Angleterre, en Allemagne ou en Hollande, pour y rejoindre, qui un membre de sa famille qui y est déjà ou pour y chercher un emploi là où ils pensent en trouver.

On ne peut  a priori suspecter leurs intentions. Ils savent que la France n’accorde le droit d’asile que parcimonieusement et que la situation aussi bien économique que politique ne lui permet  pas de voler au secours de “toute la misère du monde”.

Mais est-ce une raison pour traiter ces migrants aussi brutalement qu’on le fait à la frontière italienne ?

Le ministre de l’Intérieur et le préfet du département des Alpes Maritimes s’en défendent si bien qu’on refoule ces migrants vers l’Italie d’où ils viennent et qui ne veut plus les reprendre.

« L’Humanité et la Fermeté » annoncées le 17 juin en réponse aux événements de la mi-juin sont déjà quelque chose, mais il ne s’agit que de demi mesures destinées à rassurer l’opinion qui ne va pas dans le sens de l’accueil.

On va créer 4000 places supplémentaires d’ici 2016 dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile alors qu’il en faudrait dix fois plus.

On va réserver aux migrants en transit 1500 places d’urgence, mais après cet été et seulement en Ile de France.

On va dédier 5000 places aux personnes accédant au statut de réfugié …d’ici 2017.

On va créer quelques places d’hébergement pour les déboutés du droit d’asile en attente de leur évacuation alors qu’il en manque 80%.

Moyennant quoi on se félicite d’avoir fait mieux qu’avant 2012 mais on promet de renforcer les contrôles d’identité dans les gares.

Des demi mesures qui font penser qu’on est déjà en campagne. En attendant que fait-on pour les migrants des Alpes Maritimes qui s’accrochent aux rochers de Vintimille ?

C’est ça la France ?

 

Bernard Jouanneau

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