Thème : le vote des femmes (70 ans)
Débattrice : Michèle Dominici
Les suffragettes, ni paillasson, ni prostituées
Michèle Dominici, réalisatrice de ce documentaire nous a fait le cadeau de sa présence ce matin et s’est prêtée avec beaucoup de compétence et d’humilité, aux interrogations des élèves de 3° du collège Camille Sée. Merci à elle.
Le film retrace l’histoire de la révolution des femmes en Grande Bretagne dès 1884, et le parcours de 5 suffragistes et suffragettes, qui ont consacré leur vie au combat pour l’égalité hommes-femmes et pour obtenir le droit de vote.
Attentifs pendant la projection, les élèves ont été très vifs et intéressés pendant le débat. Beaucoup de questions sur le combat lui-même, sur la torture dont il est fait mention dans le film (gavage forcé des femmes qui faisaient la grève de la faim), la soumission aux maris, pourquoi ce sous-titre? La motivation de Mme. Dominici pour cet engagement…
“Il est nécessaire de rafraîchir les mémoires, dit alors Michèle D., le féminisme n’est pas toujours bien vu, j’avais envie de lui redonner une certaine noblesse. L’histoire se répète, le film a des résonnances avec les événements d’aujourd’hui : rôle politique des Femen, les immigrés payent des impôts mais n’ont pas le droit de vote, exactement comme ces femmes qui décident lors d’une manifestation de ne plus payer leurs impôts tant qu’elles n’auront pas accès au suffrage : “No vote, no tax”. Quant au “gavage”, les Américains le pratiquent encore à Guantanamo.
A propos du sous-titre, il n’est pas d’elle : au début du film, on aperçoit une femme : Rebecca West qui dit “on ne me considère femme que, si je suis paillasson ou prostituée”, il était intéressant de reprendre l’image qui fait résonnance avec “ni putes, ni soumises”, mouvement créé en 2003 en France par F. Amara, pour lutter contre les violences faites aux femmes.
– Y-a-t-il eu un combat en France pour les droits de vote des femmes? demande une élève.
-Alors que la France avait été l’un des premiers pays à instaurer le suffrage universel en 1789, les femmes étaient considérées comme “citoyens passifs”, exclusion du droit de vote maintenue par la Constitution de 1791. Leur identité était subordonnée à celle de leurs maris ! Malheureusement, une autre guerre (1939-1945) semble avoir été nécessaire pour que les hommes se rendent compte que leurs femmes, résistantes, messagères clandestines, activistes contre l’ennemi, méritaient qu’elles aient au moins le droit de vote ! Celui-ci a été acté en 1944 par le gouvernement provisoire du général de Gaulle à Alger ; les femmes ont voté pour la 1ère fois en 1945. Mais ce n’est qu’en 1967 que les femmes, en France ont pu détenir un compte en banque sans l’autorisation du conjoint.
Une élève s’étonne de la répression policière et en particulier de la facilité avec laquelle les femmes se laissaient embarquer.
-Il faut savoir, répond M. Dominici, qu’à cette époque, il n’y avait aucun moyen de communication. Donc, la seule façon de se faire entendre était de provoquer des procès, qui étaient relayés par la presse écrite. C’était alors un formidable espace pour revendiquer et faire savoir leur lutte à toute la population. Tandis que les “réformistes” passaient des heures interminables au Parlement, les “activistes” avaient un autre mode d’action, dont celui-ci.
Un autre élève, demande enfin si, dans le monde, il y a eu d’autres luttes de femmes pour le droit de vote.
-Depuis l’Antiquité, les femmes ont toujours été exclues des procédures démocratiques. Partout dans le monde (encore actuellement dans certains pays), elles ont été l’objet d’une discrimination abominable, et c’est à force de manifestations, toujours pacifiques, sans heurts, mais avec des arguments de poids, qu’elles ont réussi à se faire entendre.
Le droit de vote nous appartient désormais. Je pense que ces élèves en ont pris conscience ce matin et que, jamais, ils n’oublieront d’aller voter lorsqu’ils auront l’âge requis!
Joëlle Saunière