Journal d’Avril 2014: Imaginez le 21 février 1944….

affiche-rougeImaginez un 21 février 1944, il y a tout juste 70 ans.

Imaginez que vous sortez le matin, après le couvre feu et que vous découvrez sur les murs de Paris, de Nantes ou de Lyon, une affiche encore humide de colle. Vous vous en approchez et vous voyez 10 mauvaises photos en noir et blanc, 10 hommes aux visages fatigués, tuméfiés, presque résignés. Le reste de l’affiche est de couleur rouge sang.

Imaginez une affiche rouge qui agresse dès l’aurore. Un titre : “des libérateurs? ou l’armée du crime”. Il y a là, photographiés, plusieurs membres d’un réseau de résistants : les FTP-MOI du réseau dirigé par Missac Manouchian, un immigré arménien de 37 ans débarqué à Marseille 20 ans plus tôt en provenance de Turquie.

Les FTP-MOI : les Francs Tireurs Partisans de la Main d’œuvre Immigrée. Les FTP sont issus du parti communiste français. Les immigrés y sont aux premiers rangs des combattants. Missac Manouchian déjà membre, avant la guerre, de la MOI, rejoint les FTP-MOI et gagne d’emblée la confiance de ses camarades et l’attention de sa hiérarchie. Les actions du groupe Manouchian qu’il anime seront d’une audace inouïe.

L’affiche rouge, élaborée par la propagande nazie, stigmatise l’origine étrangère de la plupart des membres de ce groupe, principalement des Arméniens et des Juifs d’Europe de l’Est. On y trouve des Polonais, des Hongrois, des Roumains, des Italiens, des Espagnols, des Français dont un Breton. Mais ne figurent pas en photo 13 autres condamnés, membres du réseau. Parmi eux, il y a dix juifs fraîchement immigrés.

Car ce 21 février, il y a 70 ans, des hommes vont être assassinés par les SS. En fait, 22 seront fusillés, car Olga Bancic, la seule femme du groupe, en application du manuel de droit criminel de la Wehrmacht qui interdit alors de fusiller les femmes, sera décapitée à la hache le 10 mai de la même année à Stuttgart,

Imaginez cette même journée d’hiver au Mont Valérien… Le froid. Dans une petite cabane en bois, au bout d’un terrain vague, ces hommes sont enfermés. Tous ont été torturés ou maltraités. Ils reçoivent une feuille de papier et un crayon. Ils savent.

Missac Manouchian va écrire une lettre a sa jeune épouse Mélinée, “sa petite orpheline bien aimée”. Une lettre qui est un puits d’émotion, de courage et de tendresse. De cette lettre, de cette page de notre histoire, Aragon s’inspirera et écrira le poème : “L’affiche rouge”. Un puissant plaidoyer pour la liberté et contre la barbarie. L’affiche eut sur les passants un effet contraire à celui recherché par les occupants. Elle devait stigmatiser des “terroristes”, les Parisiens découvrirent des héros.

Depuis, des monuments et des plaques ont été posés à Paris et ailleurs.

Enfin, les membres assassinés de ce réseau sont associés aux combattants dont la mémoire est honorée au Mont Valérien.

Jacques Wrobel

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