Journal d’octobre 2011 : le 22 juillet, deux mois après

Dix ans après l’attentat des Twin  Towers, la terreur frappe un autre symbole: la démocratie et la tolérance en Norvège. Cette fois par un autochtone, extrêmiste.

Jens Stoltenberg, Premier ministre (travailliste) du royaume, était déjà au même poste le 11/9/2001. Malgré une sévère défaite électorale la veille, il dut gérer la crise jusqu’à la nomination de son successeur. Fidèle à son allié outre Atlantique, la Norvège s’engagea notamment en Afghanistan.

Revenu au pouvoir entre-temps, M. Stoltenberg se trouve malgré les vacan-ces, à Oslo le 22 juillet, lorsqu’une bombe explose devant l’immeuble du gouvernement. Il est rapidement évacué en lieu sûr et secret, d’où il s’adresse aux Norvégiens quelques heures plus tard. Son discours est exactement celui qu’il faut, tout en émotion contenue, mais aussi avec l’autorité necessaire. Jens, comme tout le monde l’appelle, se montre enfin comme un vrai leader. En apprenant plus tard dans la soirée et dans la nuit le deuxième drame, le massacre des jeunes de son parti à Utøya dont il connaissait certains personnellement, il garde un calme apparent. Il faut agir. Tout comme les Américains en 2001.

Les situations ne sont pas compara-bles. Mais j’ai beaucoup pensé à l’atmos-phère et aux inquiétudes, assez sembla-bles, et ce sentiment de danger, que la terreur peut frapper n’importe où, n’importe quand, explique-t-il au journal Aftenposten.

Pour M. Stoltenberg, dans les deux cas, ce que les auteurs, si différents soient-ils, ont voulu frapper, c’est la démocratie et la liberté. Ce sont des attaques contre une société où il est permis d’avoir une opinion divergente, et où l’on peut être engagé, voir s’opposer les uns aux autres, mais toujours sans violence.

Certaines personnes se croient au-dessus des lois, de la démocratie et des élus par le peuple, et pensent qu’elles peuvent les attaquer. C’est sur ces points que l’on trouve les similitudes entre le 11 septembre 2001 et le 22 juillet ici, dit-il. Il faut protéger la liberté. Ce qui signifie aussi l’ouverture et la tolérance. Avant que l’on sache que le tueur du 22 juillet était un Norvégien bien blond aux yeux bleus, Anders Behring Breivik, tous les soupçons allèrent vers les islamistes, AlQaïda. Les Musulmans en Norvège passèrent quelques heures très difficiles. Il y eut même des réactions violentes, voire des chasses à l’homme. Le lendemain, M. Stoltenberg alla assister à la prière dans une mosquée avec le Prince héritier Haakon. Un acte symbolique et nécessaire.

M. Breivik dit avoir accompli une révolution nécessaire, méticuleusement planifiée depuis neuf ans. Il pense avoir réussi, et accepte d’être jugé et de passer le reste de sa vie en prison. Mais avant, il voudrait utiliser son procès comme un coup de pub, si possible en uniforme ou en queue de pie.

Je commence à me demander s’il est fou, dit son avocat, Geir Lippestad. Mais il estime que son client est responsable de ses actes. Lippestad reçoit des centaines de messages de soutien. Sa décision est respectée par tout le monde. La défense d’un criminel, quels que soient ses actes, fait aussi partie de la démocratie.

Breivik reçoit aussi des lettres, surtout des lettres d’amour. C’est fréquent, paraît-il. Le pédophile meurtrier Marc Dutroux en Belgique recevait, lui, des centaines de jouets en peluche. Les psychologues expliqueront. Tout comme ils expliqueront les raisons qui ont fait que Breivik bascule dans l’horreur.

Les enquêteurs ne savent pas encore avec certitude s’il a agi seul. Il fut en tout cas lié à un réseau avec des ramifications internationales, qui s’est bâti sur la même révolte que lui, contre la sociétémulticulturelle, et surtout contre les Musulmans. Il admirait notamment Gert Wilders au Pays-Bas. Les experts terro-ristes, notamment d’Europol, sont en train de déméler les liens de ce réseau, réels ou pas. Au moins, les morts norvégiens auront permis une mise à jour salutaire de cette nébuleuse d’extrême droite. L’autre partie moins visible de l’iceberg se cache dans les résaux sociaux, où Breivik s’est façonné  plu-sieurs identités. Il adorait également les jeux violents et les BD. Peut-être un refuge après une enfance brisée par le divorce de ses parents, et ce qu’il a ressenti comme un abandon de son père, parti vivre à l’étranger. Là, il se démarque de la plupart des enfants norvégiens, très choyés, genre enfants rois.

Ses actes de terreur du 22 juillet furent loin d’être un jeu. A Oslo, c’était un vendredi après-midi, et beaucoup d’employés avaient déjà quitté leurs bureaux, ce qui évita un véritable massacre. A Utøya, il tira sur tout ce qui bougeait, utilisant des munitions à fragmentation, pour faire souffrir les victimes encore plus. La haine pure.

La haine peut tuer un homme, mais pas vaincre un peuple répliqua M. Stoltenberg. Son parti vient d’être renforcé dans des élections locales marquées surtout par un net recul du Parti du Progrès, dont Breivik fit partie pendant 7-8 ans. Il le quitta parce que ce parti établi, qui a tout de même frôlé les 25% d’électeurs, nétait pas assez radical à ses yeux. Il préféra les anonymes d’internet, avec qui il fonda non pas un parti, mais une idéologie. Qui l’amena à passer aux actes, froidement, minutieusement, tuant 77 personnes.

Vibeke Knoop

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