Paru dans le Journal de janvier 2010
La votation helvète contre la construction d’un minaret a soulevé une tempête et pas seulement en Suisse.
Cet événement semble tomber à pic pour libérer une parole jusque là soigneusement retenue, sur la place de l’Islam en Europe. Et cette parole est violence. Elle est aussi angoissée, on ne peut pas le nier.
L’islam en cette période de crise et de précarité cristallise sur lui toutes les peurs et les ressentiments. Il devient, comme d’autres minorités l’ont été dans l’histoire, en d’autres temps, un bouc émissaire.
En France, cette “affaire” vient télescoper le débat sur l’identité nationale. Débat ignoblement dévoyé par son accolement avec le problème de l’immigration, mais qui paraît toutefois nécessaire en ces temps où la France, comme tant d’autres pays, traverse une grave crise existentielle. Ce débat, trop sérieux pour ne pas être laissé entre les mains exclusives des politiques, permettrait de rappeler et de remettre en oeuvre les valeurs qui ont toujours permis à ce pays d’intégrer au lieu d’exclure.
Quoiqu’il en soit, cette agitation désordonnée réjouit, bien entendu, les extrêmes qui voient là l’opportunité rêvée de brandir la menace d’un islam conquérant, effrayant et insoluble dans nos démocraties. Ils amalgament sciemment un Islam politique fondamentaliste qui existe dans de nombreux pays et l’Islam de nos contrées qui n’est rien d’autre qu’une religion dont les fidèles ne demandent que de pouvoir la pratiquer dans des lieux de culte convenables, comme tous les citoyens de quelque religion que ce soit, ont le droit de le faire.
Ceci dit, il ne faudrait pas pour autant ignorer la crainte qui s’est exprimée massivement, cela permettrait de laisser le champ libre à tous les fantasmes. Il serait judicieux de s’atteler à faire changer l’opinion sur l’Islam en Europe, d’engager un dialogue, des échanges entre les religions et faire en sorte de “banaliser” l’Islam, comme l’ont été les autres religions.
Si cette volonté ne se manifeste pas et ne débouche pas sur des actions concrètes, il ne faudra pas d’étonner de voir s’installer en France, un communautarisme sévère et il ne faut pas être grand clerc pour deviner à qui cela profitera.
— Lison Benzaquen