Lu dans Le Parisien de ce jour:
La « gare de la douleur » deviendra lieu de mémoire
Un protocole a été signé hier matin entre le président de la SNCF et la maire de Bobigny. Une nouvelle étape de la transformation de l’ancienne gare de déportation en mémorial.
Elle fut gare de l’indicible. De ses voies sont partis 21 convois, plus de 22400 juifs déportés vers Auschwitz et d’autres camps de la mort entre l’été 1943 et l’été 1944. Demain, dans une poignée d’années peut-être, elle sera lieu de mémoire. L’ancienne gare de Bobigny-Drancy sera réhabilitée avec l’appui de la SNCF, selon le protocole de coopération signé hier entre son président, Guillaume Pepy, et la maire (PC) de Bobigny, Catherine Peyge.
Un site de 3,5 ha
Cinq ans après la cession pour 1 € symbolique du bâtiment voyageurs aujourd’hui restauré, cette parcelle de la SNCF — la zone autrefois dévolue au trafic de marchandises — complète un puzzle historique. Il y manque toutefois une dernière pièce : les voies, encore propriété de Réseau ferré de France. Mais « c’est à l’étude et les négociations sont en cours avec RFF », assure Catherine Peyge. Lorsque l’ensemble sera reconstitué, le site s’étendra sur 3,5 ha, en contrebas de l’avenue Henri-Barbusse. « Nous aurons ainsi protégé de toute maladresse urbanistique ou commmerciale un haut lieu de mémoire et d’histoire, de recueillement et d’enseignement, de connaissance et donc de reconnaissance », s’enflamme presque la maire de Bobigny dans la solennité du lieu. Au premier rang de l’assemblée venue assister hier matin au transfert symbolique et à la signature du protocole de coopération, Simone Veil et Serge Klarsfeld en imposaient par leur gravité émue, rendant encore plus éloquent le très attendu discours « de la repentance » du patron de la SNCF.
Et maintenant? « Ce transfert est une étape », rappellent les partenaires de ce qui doit devenir non pas un musée mais un véritable lieu du souvenir, au même titre que le Mémorial de la Shoah de Paris, à la rénovation duquel la SNCF avait participé. Pour la gare de Bobigny, qui a déjà fait l’objet d’études de paysagistes et même d’une expertise confiée à l’association Topographie de la mémoire, aucun projet n’est encore défini mais le comité de pilotage, présidé par Simone Veil, doit tenir une réunion de travail « dans les prochaines semaines ». Le président de la SNCF y sera associé, de quoi assouvir sa soif de « participer à faire en sorte que ce lieu devienne, parmi d’autres, un lieu d’histoire et de mémoire ».
Il y a six ans, peu après l’inscription de la gare de voyageurs à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, les premières pistes soumises au comité de pilotage évoquaient d’inclure la gare à un parcours de la mémoire, englobant notamment la cité de la Muette à Drancy, le Mémorial de la Shoah de Paris, voire l’ancien Vél d’Hiv. « Aucun projet n’est encore défini », se défendent aujourd’hui les partenaires, simplement engagés pour « un travail commun qui devra être fructueux, à la hauteur de l’obligation historique, morale et citoyenne due à ce lieu ».