L’éditorial du Journal de Janvier 2011 : le respect d’autrui

Lorsqu’il y a dix-huit ans, nous avons hardiment décidé de prendre en charge la transmission de la mémoire à la génération de celles et ceux qui devaient atteindre leurs vingt ans en l’an 2000, la tâche entreprise nous paraissait si lourde et si lointaine, que nous pensions lui passer le relais afin qu’elle continue et la poursuive pour celle qui allait suivre.

Lorsque le nouveau siècle est arrivé, il a bien fallu se rendre à l’évidence : nous étions loin d’avoir terminé et nous nous sommes bravement remis à l’ouvrage, persuadés d’avoir tracé une voie et semé quelques graines qui porteraient leurs fruits. Personne ne nous en a dissuadés, et tous ceux qui nous voient à l’œuvre nous ont encouragés à continuer.

Nous n’avons pas changé la face ni les rides du vieux monde, ni les travers ni les tares des hommes et des maîtres du monde. Au rêve du “plus jamais ça” a succédé la course effrénée du profit, et le culte de la richesse, indifférente à l’aggravation du sort des plus pauvres.

Toujours plus d’argent, toujours plus vite, toujours moins d’égalité et plus de différence et de discrimination…

Au mépris des plus démunis, s’est ajouté le rejet des étrangers et des émigrés perçus comme une menace et un danger pour ceux qui possèdent et ont amassé les richesses. L’impuissance des états à assurer le respect des grands principes qu’ils n’ont cessé de cultiver, codifier et proclamer, a conduit la communauté internationale a laisser faire — au nom du libéralisme — ce qu’elle condamnait dans ses déclarations, pactes, sommets et conférences.

On n’a jamais tant fait pour se rencontrer, se parler et se rassurer, sans parvenir à éradiquer la solitude et l’a-solidarité qui semble aujourd’hui être la marque de l’humanité qui confine à l’inhumanité.

* Trop nombreux pour respirer ?

* Trop nombreux pour subsister ?

* Trop nombreux pour partager ?

* Trop nombreux pour écouter ?

Il est temps de réagir tous ensemble.

En réalité, nous ne sommes pas assez nombreux à nous préoccuper du sort de l’humanité, elle n’a de chances de survie que dans le respect de l’éminente dignité de l’individu, par les pouvoirs publics et les institutions, par les médias et les autorités, mais aussi par les individus eux-mêmes.

Quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, si pauvre et si petit soit-il, l’individu doit trouver sa place dans l’univers, et pour qu’il y parvienne il faut que les autres la lui fassent.

Chacun doit y mettre du sien et se demander chaque jour, ce qu’il fait, ce qu’il a fait, ce qu’il doit faire, pour permettre à l’autre de vivre, de respirer, de travailler, de parler, en un mot : d’“Etre”. La survie de l’Etre dépend de l’effort de tous et de chacun.

La lutte contre la discrimination qui reste le ressort de notre raison d’être, est d’abord un combat contre soi-même, une remise en question permanente de notre ego, qui tend à en imposer à autrui, pour prendre sa place et l’empêcher de vivre.

Ce n’est pas chez les autres qu’il faut détecter les risques de l’intolérance et de la violence, c’est en soi, et ce n’est pas du domaine du rêve ou de l’utopie, c’est la dure loi de la condition humaine.

Nous n’avons plus rien à transmettre. Tout est dit, et personne ne l’ignore. Il reste à faire les gestes essentiels qui consistent à se mettre à la place d’autrui, non pour le déloger, mais pour se demander ce dont il a besoin pour vivre, ou/et chercher à l’aider à se le procurer.

Une terre, un pays, une famille, une religion, des souvenirs, une passion, un public, une mémoire, une raison d’être, un savoir-faire.

Le respect d’autrui : première exigence de la fraternité, devrait être davantage notre préoccupation, au même titre que la défense de la liberté, et la poursuite de l’égalité, pour lesquelles nous avons choisi de nous réunir.

Bien sûr qu’il faut “s’indigner” et pas seulement pour suivre les conseils de Stéphane Hessel — ne rien laisser passer — ne jamais s’arrêter. Encore faut-il savoir pourquoi et à quelles fins?

Depuis le temps que je tiens cette chronique pour Mémoire 2000, je crois avoir enfin trouvé la réponse : la dignité passe par le respect d’autrui qui nous incombe.

Bernard Jouanneau

 

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