
Après la projection du film, le débat est animé par Sandro Cives, formateur des ambassadeurs «Non au harcèlement », prévention et sécurité en milieu scolaire, qui a un master des métiers de l’enseignement et de l’éducation.
Notre public est composé de quatre-vingt dix très jeunes élèves de classe de 4ème et de 5ème, la classe de terminale inscrite ne s’étant pas présentée.
Ce film a été réalisé à travers le prisme du ressenti et des écrits de Nora Fraisse, la mère de Marion, la jeune fille qui s’est suicidée après harcèlement scolaire.
Applaudissements d’émotion à la fin du film. En effet, le premier élève prenant la parole exprime ce qu’il a ressenti : « je suis en colère, choqué, triste et ému ».
Sandro Cives: levez le doigt, celles et ceux qui ont ressenti de la colère et qui auraient également voulu venger leur fille à l’image de la mère ?
Tous les doigts se sont levés.
Sandro Cives: C’est compréhensible, mais on ne peut pas faire justice soi-même
Un élève : Oui, mais ni le principal, ni les professeurs n’aident Marion, ni plus tard la mère.
Sandro Cives: Vous avez vu tout de même qu’il y a une enquête de police après la mort de Marion. On peut supposer qu’il y aura des sanctions sévères. Revenons à la 1ère partie du film, pourquoi, à votre avis, Marion est harcelée ? Parce qu’elle est différente des autres, elle est studieuse.
Les élèves répondent spontanément:
- « La classe réagit mal, car les élèves ne veulent pas travailler ».
- « Même Chloé, sa meilleure amie, se met dans le groupe des harceleurs, elle change de place, elle ne veut plus être identifiée « amie de Marion ».
- « Elle se fait traiter de pute, alors qu’elle n’a rien demandé ».
- « On raconte des choses fausses sur elle, ça s’appelle de la calomnie ».
Sandro Cives acquiesce et précise qu’il s’agit même de diffamation.
- Une élève : Un garçon la force de faire un baiser dans le bus, Marion n’est pas d’accord, il ne respecte pas son non-consentement.
- Sandro Cives: Oui, ça s’appelle « agression sexuelle », c’est puni par la loi.
- Une élève : Julie est jalouse, elle a de la haine.
Sandro Cives demande aux élèves quels sont les signes du mal-être de Marion.
Les élèves répondent :
- « La petite sœur sent que Marion ne va pas très bien, surtout à la piscine, elle l’exprime par son regard de petite fille.»
- « Marion s’isole, elle ne mange plus. »
- « Elle est en colère après sa sœur. »
- « Elle pleure le soir. »
- « Elle veut maigrir car elle a reçu un message où on la traite de « grosse ».»
- « Romain essaie de la défendre, mais il a peur des autres, il est un peu lâche. »
Sandro Cives : Vous savez, dans la vie, il n’y a pas de super héros, Romain, en effet a peur, ce qui est bien légitime, vu la virulence des autres élèves. Et ce professeur de gymnastique qui a peur des conséquences pour son avenir professionnel! On peut avoir de bonnes intentions, mais cela ne suffit pas. Comparez à ce que vous vivez au quotidien.
Les élèves répondent :
- Les profs ne se défendent pas contre les caïds.
- Ça n’arriverait pas dans mon collège.
- C’est pas aussi fou dans notre collège.
- Dans un vrai collège, si un prof est agressé, le proviseur réagit (même si c’est une agression avec un pistolet à eau) !!! il y a une sanction.
- Est-ce que c’est une histoire vraie ?
- Dans la vraie vie, que deviennent les harceleurs ?
- Et les gendarmes, ils ont rien fait.
Sandro Cives : Si on prend le cadre de la loi, le problème de l’instruction officielle ne survient que quand les faits ont eu lieu, pas avant quand personne ne voit ou ne veut pas voir.
Deux élèves répondent:
- L’enquète de police avance lentement.
- La justice ne sert à rien.
Une professeur prend la parole et dit « je suis choquée qu’à aucun moment un élève n’aille voir un adulte ».
Sandro Cives : Excellente transition : dans ce film les adultes sont véritablement absents. Il n’y a pas de surveillants, d’infirmières… Dans vos collèges et lycées, sachez que vous avez des adultes pour vous aider : il faut leur faire confiance, leur parler des problèmes que vous vivez ou dont vous êtes témoins. Depuis cette année il y a des groupes d’adultes dans tous les collèges formés pour résoudre les problèmes de harcèlement. Ils sont là pour protéger les personnes en souffrance.
Sandro Cives poursuit : D’après des études récentes, les deux camps gardent des traces psychiques. Le(s) harceleurs, la personne harcelée. Ils peuvent être traumatisés à vie. On voit, dans le film, les harceleurs fumer du shit et boire des bières, c’est signe qu’ils ne vont pas bien du tout et essaient de noyer leur mal être. Il manque, dans ce collège :
- 1 CPE
- des surveillants
- 1 infirmière scolaire
- une référente psy
- voire 1 assistante sociale
Et Sandro Cives pour les élèves : Quoiqu’il en soit, il faut PARLER , si vous êtes témoins de harcèlement ou harcelés vous même, allez voir un adulte et PARLEZ ! C’est uniquement par ce geste que vous pourrez aider vos camarades.
Hélas l’heure a avancé trop vite et malgré les doigts encore levés, la séance est arrêtée.
Merci aux élèves, aux enseignants et à notre intervenant.
Joëlle Saunière
