Journal de Janvier 2012 : Les zoos humains, un racisme bien partagé

 L’ancien footballeur Lilian Thuram a co-organisé au Musée du Quai Branly une exposition fort intéressante, ô combien dérangeante aussi. On n’en ressort pas très fiers, car elle nous montre tels que nous sommes, nous, blancs occidentaux.

De 1800 à 1958, l’industrie du spectacle exotique connaît un âge d’or en Occident. Durant cette période, près de 35.000 hommes, femmes et enfants, venus des 4 coins du globe mais aussi de Bretagne ou d’Alsace, ont été exhibés comme des animaux, dans des cages, à l’occasion d’expositions universelles, dans des cirques et des foires. Ainsi, les grand-parents d’un autre célèbre footballeur, Christian Karembeu, furent exhibés dans des cages à l’Exposition Universelle de Paris en 1930. Un milliard de badauds viendront contempler ces “sauvages”.On venait en famille voir des microcéphales, des femmes à barbe, des jumeaux-siamois, des monstres, des handicapés, des Indiens d’Amérique, des  “êtres inférieurs”, comme disaient des scientifiques. Au 18ème siècle, la race supérieure était celle de l’homme blanc, l’être inférieur étant de race noire, chaînon manquant entre le singe et l’homme. La Vénus Hottentote, née en 1789 en Afrique du Sud, était dévoilée contre un….ticket à 3 francs, les savants du Museum d’Histoire Naturelle de Paris comparant son visage à celui d’un orang-outang.

L’ethnologie va devenir un “business” et un outil de propagande. Pour justifier les conquêtes coloniales, on raconte que ces individus sont violents, cruels et même cannibales! La chosification de l’Homme est portée à son paroxysme. Au 18ème siècle, l’anthropologie s’emploie encore à hiérarchiser: classements, types, tares, cet esprit de catégorisation vire à l’obsession. Il va alimenter le fantasme d’une prééminence blanche et occidentale. Mais le “sauvage” n’est pas une invention exclusivement européenne: l’ethnologie est une des choses les mieux partagées sur notre planète…

Comme de nombreux footballeurs noirs, Lilian Thuram a connu les supporters imitant les cris de singes chaque fois qu’un footballeur noir touchait le ballon. Toutefois, garçon très intelligent (mais oui, un footballeur, même noir, peut être très intelligent), il n’en veut à personne, car il estime que nous avons conservé dans notre éducation des représentations de l’humanité héritées du passé. Le colonialisme a fourni dans cette histoire un prétexte nauséabond: cherchant à obtenir des matières premières à bon prix, on a construit l’idée d’une race inférieure, pour mieux en tirer profit: toujours la même et stupide certitude d’être supérieur! L’exposition montre, de façon dépassionnée, comment se construisit ce racisme, cautionné par les scientifiques de l’époque, la politique coloniale et l’industrie du spectacle. Ces expositions coloniales ont certes pris fin en 1958, mais en 1994, il y avait encore à Nantes un “village bamboula” installé dans un parc zoologique, et on y exhibait des Ivoiriens, en partenariat avec les Galettes Saint-Michel….

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