
Le 19 février, à Hanau en Allemagne, un homme de 43 ans se réclamant de l’extrême droite, a ouvert le feu dans des bars à chicha tuant neuf personnes essentiellement issues de l’immigration. Le suspect qui s’est ensuite donné la mort (avec sa mère) a laissé un manifeste et une vidéo qui, d’après le spécialiste du terrorisme au King’s College de Londres, Peter Neumann, ne laissaient place à aucun doute sur les motivations racistes et xénophobes du tueur. Il appelle notamment à « anéantir » la population d’au moins 24 pays, parmi lesquelles celles du Maghreb, du Moyen-Orient, d’Israël ou encore d’Asie du Sud, avançant des thèses racialistes.
Ces dernières années, dans toutes les démocraties européennes, on a vu se développer des thèses extrémistes et racistes. Mais, c’est en Allemagne qu’elles ont pris la forme la plus violente et ce, même si, d’après les renseignements fédéraux allemands, le nombre de militants d’extrême droite a diminué entre 1990 et 2020. En revanche le nombre de militants considérés comme violents a été multiplié par neuf, passant de 1400 en 1990 à 12700 aujourd’hui…Certains même, selon Nele Katharina Wissman, chercheure associée à l’IFRI, “sont prêts à mener des actions comme des attentats.”
Résultats surprenants pour un pays dont on aurait pu croire que grâce au travail mémoriel qu’il a fait sur le nazisme, serait à l’abri d’une récidive de dérives extrémistes.
Hélas, il n’en est rien et on a l’impression d’assister ici à un tragique “retour du refoulé”.
L’extrémisme de droite en Allemagne est constant dans l’histoire de l’après-guerre du pays, mais il semble, jusqu’à cet attentat, avoir été minimisé au prétexte de sa maîtrise particulière du passé, sous-estimant que ce pays a été à un point majeur le berceau de l’extrémisme de droite.
Il aura fallu attendre ces meurtres pour que les Allemands prennent conscience de la réalité de la menace.
Cependant alors que dans le passé proche l’on pouvait “facilement” repérer les militants d’extrême droite, aujourd’hui c’est devenu plus difficile car ces militants n’adoptent plus les codes néonazis des skinheads, ni les blousons de cuir et Doc Martens des années 1990. Habillés comme leurs contemporains, ils peuvent vivre dans des colocations difficiles à observer. Ils sont plus volontiers dans des “groupes d’amitié” (Kameradschaften) que la loi ne peut interdire.
« Cette augmentation des violences perpétrées par l’extrême droite s’explique en partie par le climat social », estime Nele Katharina Wissmann, qui ajoute qu’une “partie de la population a estimé, ouvertement, qu’il y avait trop de migrants et de musulmans en Allemagne”.
Ce discours xénophobe est largement porté par l’AfD très présente au Bundestag [le Parlement national] et dans les différents Länder, et vers qui se tournent aujourd’hui les regards. Le parti est accusé d’avoir créé en Allemagne un climat propice aux violences racistes avec son discours xénophobe décomplexé. Selon un sondage commandité par l’hebdomadaire Bild am Sonntag, 60 % des Allemands estiment que l’AfD a une responsabilité dans les attentats de Hanau.
Pour répondre à cette menace terroriste, les autorités allemandes ont mis en place de nombreuses mesures et envisagent même d’utiliser des procédés semblables à ceux qui existent pour lutter contre le terrorisme islamiste.
Si ces mesures sont nécessaires, elles ne produiront d’effet que dans quelques années. Ce qui semble le plus urgent et primordial est la lutte contre les discours xénophobes et racistes.
Ce combat ne concerne pas seulement l’Allemagne, mais toute l’Europe où comme dirait, Angela Merkel, “le poison” du racisme et de la xénophobie ne cesse de croître et d’embellir.
Lison Benzaquen