Le huitième jour
Séance du 3 décembre 2019
Thème : le handicap
Débatteurs : Dany Dobrosz-Rybicki et Benjamin Durteste
Ce magnifique film, sorti voici quelques années, traite excellemment du douloureux problème du handicap. Le héros, Georges, interprété par Pascal Duquenne, est trisomique et exceptionnel. Le pré-générique nous fait entrer dans le film à travers sa vision du monde. Un monde naïf et tendre où l’on pleure la mort d’une fourmi, où l’on caresse les arbres et l’herbe et où de splendides cavaliers mongols sont la communauté protectrice d’origine.
Georges s’échappe de son institution, se perd sur une route de campagne, et c’est là qu’a lieu, sous la pluie, la rencontre accidentelle avec Harry (Daniel Auteuil) exécutive manager, robot souriant mécaniquement pour marteler le message commercial “Souriez, soyez fiers de vous et de votre réussite, soyez fiers de votre banque !”.
Comme il se doit dans ces duos qui ne devraient pas se rencontrer, c’est celui considéré comme l’incapable qui va sauver le soi-disant tout puissant. Harry a perdu le fil de sa vie de famille, sa femme l’a quitté, ses filles ne veulent plus lui parler. Georges va lui réapprendre le sens du lien.
Au début de la projection, il y a eu des rires, entre moquerie et malaise devant le ballet des danseuses trisomiques en tutu qu’observe avec tendresse Georges, amoureux de Nathalie. Mais à la fin, le public applaudit. Le débat ne portera pas sur le film. Nos débatteurs sont conscients du malaise particulièrement aigu chez les adolescents sur ces personnes différentes et savent qu’à cet âge, la moquerie sert de défense. Et ils en sont aussi douloureusement marqués. Mais ils feront tout pour que le malaise se dissipe et que la parole circule sans gêne.
Les deux débatteurs, Benjamin Durteste et Dany Dobosz-Rybicki sont membres de l’association HANDINAMIK (cliquez sur le lien pour accéder au site de l’association)
Benjamin, étudiant en master de philosophie précise tout de suite que son frère trisomique est plus âgé que lui, qu’il a donc toujours connu un monde avec un frère handicapé. Pour mettre à l’aise le public, il explique qu’il n’est pas là pour juger un comportement, que toutes les questions sont bienvenues. Bien sûr, les paroles blessantes adressées à son frère lui font mal. Il demande aux élèves s’il y en a parmi eux qui sont confrontés dans leur entourage à des personnes handicapées. Et très vite, beaucoup de mains vont se lever. Les échanges durent jusqu’à midi et nous serons obligés d’interrompre le dialogue pour libérer la salle.
Question : Cet élève, originaire du Maroc, a un cousin trisomique, et reconnaît qu’il n’avait pas envie de lui parler, que cela gênait son contact.
Réponse : C’est hélas très courant. Or, il faut savoir que, sur le plan intellectuel, certains handicapés sont plus brillants que les autres, mais leur problème, c’est justement le regard des autres. Les cadres sont les plus durs envers eux, ils n’ont pas de rejet, mais une gêne évidente. Et dans la plupart des cas, il y a un malaise, mais dès qu’on explique que la personne est handicapée, le comportement change, on est soudain plus compréhensif.
Question : C’est le cas d’un garçon qui, suite à un accident, a subi l’amputation d’une moitié d’une jambe. Il porte généralement une prothèse, mais à la plage, on regarde son moignon d’une drôle de façon. Or, malgré son handicap, il a appris à faire du vélo, et bien d’autres choses, notamment du tennis de table, où il excelle. Que peut-on faire pour lui ?
Réponse : Il faut simplement le regarder, l’aider et l’admirer !
Question : Le problème du bégaiement est très délicat.
Réponse : Là aussi, on peut les aider, notamment à l’aide d’Internet. Mais pour eux, il y a moins de rejet. Le problème est que parfois, ils parlent fort, mais là aussi, on peut les aider. C’est comme pour les non-voyants, qui souvent sont accompagnés, et donc mieux acceptés.
Dany Dobosz-Rybicki explique qu’elle est mère d’une enfant autiste qui a du mal à entrer en relation avec les autres. Elle raconte qu’elle a accepté, un jour, de venir avec sa fille à un grand pique-nique avec plusieurs enfants de l’âge de sa fille. Ses amies avaient insisté pour qu’elle vienne avec elle. Et celle-ci, combattant son malaise, est allée rejoindre le groupe de jeunes de son âge. Mais le cercle est resté fermé, elle n’a pas été accueillie. Personne ne lui a adressé la parole. Souvenir douloureux pour cette mère qui a vu le rejet dont son enfant était l’objet dans un groupe a priori bienveillant.
Question : Comment faire face aux moqueries ?
Réponse : Il faut expliquer calmement aux autres ce qu’est le handicap, et souvent les gens s’excusent. Car le handicap peut toucher tout le monde.
Question : Quel est le principal message du film ?
Réponse : Ce film nous dit que notre regard sur eux doit changer : le problème des handicapés, ce n’est pas seulement leur handicap, mais c’est le regard que nous portons sur eux. Or, ce problème est dans ”l’air du temps”. Il est notamment bien traité dans l’excellent film “Hors Normes”, où l’autisme est abordé de façon remarquable. Et, lentement certes, les choses avancent : des restaurants et cafés sont aujourd’hui tenus par des handicapés. D’autre part, la présence dans une famille d’un handicapé suscite dans cette famille un surplus d’énergie, ce qui est très encourageant. Enfin, à Paris, Les Papillons Blancs (cliquez sur le lien) sont une association de familles en difficulté à cause d’un enfant handicapé. Et à HANDINAMIK, on s’efforce de vivre comme tout le monde, on rit, on est joyeux, on fait des fêtes !
Oui, c’est bien notre regard qui doit changer.
Ce film intelligent et généreux nous inspire une vraie réflexion, une remise en question de tous les instants. Regardons, comprenons, tendons la main, et aidons-les, ils en seront confortés, et grâce à eux, nous nous sentirons meilleurs.
Guy Zerhat