Notre programme commence avec le film “Green book” de Peter Farrelly, sur le thème du racisme dans le Sud ségrégationniste des Etats-Unis. Le débat sera animé par Audrey Célestine, spécialiste des questions raciales en France et aux Etats-Unis, maîtresse de conférence en sciences politiques à l’université de Lille III. Née à Dunkerque, elle grandit à Fort de France, elle étudie à Sciences Po Paris, puis à Baltimore. Une ville qui lui “donne envie de réfléchir à la complexité de la question raciale”. En 2018, elle publie chez Textuel “Une famille française, Des Antilles à Dunkerque en passant par l’Algérie.”
Dans cet essai, elle étudie les parcours de trois générations des années 1930 à aujourd’hui, à partir de fragments recueillis dans sa famille. On circule de Marie-Galante à Dunkerque, de Fort de France à Paris, de Toulon à Oran, de Marseille à la Guinée équatoriale en passant par l’Andalousie.
Elle donne ainsi à voir des histoires traversées par la guerre, l’exil, la migration, l’ascension sociale et le déclassement. Au cours de ce quasi siècle, elle observe le rôle du présent puis du passé colonial dans la vie de français ordinaires. De son enfance à Fort de France, elle garde le souvenir du SERMAC, le service municipal d’action culturelle, lieu d’échange entre la jeunesse et les artistes, cinéastes, acteurs, musiciens, plasticiens de toute l’Atlantique noire. Ce lieu de formation et de rencontre est né de la volonté d’Aimé Césaire de sortir d’une forme d’aliénation culturelle. Elle y trouve des armes pour être “debout”. Grâce au SERMAC, elle vit une rencontre entre son histoire et l’Histoire en jouant dans une pièce de théâtre qui célèbre l’abolition de l’esclavage. Sous la direction du metteur en scène Ousmane Seck elle joue une petite esclave et comprend l’esclavage sans victimisation ni tabou. Elle n’est pas une esclave, elle joue un rôle, mais un rôle important qui lui fait comprendre le lieu où elle vit.

Son propos nous importe particulièrement, en cette époque où les discours de rejet prennent le devant de la scène politique. Audrey Célestine dénonce l’aveuglement à la couleur, le rouleau compresseur de l’assignation raciale. Elle souhaite démythifier le récit national faisant de la France un pays blanc aux prises avec le danger du “grand remplacement”. Elle donne à voir les négociations permanentes pour trouver un sens à ce que l’on “est” et ce que sont “les autres”. Et ainsi tenter de comprendre les multiples facettes de l’identité.
Jacinthe Hirsch, Présidente de Mémoire 2000