Danièle Huber a rencontré Mémoire 2000 dans les années 90. Elle évoque, pour ce centième numéro, son ressenti et les réactions des élèves. Nous la remercions, car nous avons besoin du retour de nos destinataires, de leurs critiques et de leurs encouragements.
A la fin des années 90 et au début des années 2000, l’association Mémoire 2000 n’avait pas encore l’ampleur et la notoriété qu’elle a aujourd’hui au bout de 30 années d’activité. A l’époque le rectorat et l’inspection académique se chargeaient de transmettre les diverses actions de commémoration auprès des documentalistes qui les redistribuaient. Étant désigné par mon lycée (le lycée Simone Weil situé dans le 3° arrondissement à Paris) comme professeur référent pour tout ce qui relevait de la transmission de la mémoire, j’ai trouvé un jour dans mon casier des informations concernant l’existence de l’association et des actions qu’elle menait. J’ai alors pris contact personnellement avec l’association puis demandé plus tard, en conseil d’administration, que le lycée prenne une adhésion à Mémoire 2000 en son nom et je me suis engagée dans quelques actions avec mes élèves.
C’était déjà des étudiants, des élèves de BTS ou de DPECF, qui préparaient avec moi une épreuve de culture générale pour l’obtention de leur diplôme. Ils n’avaient plus de cours d’histoire et ils avaient oublié tout ce qu’ils avaient appris en terminale.
Dans la programmation réduite de l’époque je choisis de les emmener voir deux films La Trêve qui venait de sortir et La Différence, film un peu plus ancien sur le racisme anti juif aux Etats-Unis.
Je crois que les élèves ont bien apprécié La Trêve. Mais vu les personnages truculents qui y sont décrits, ils l’ont davantage appréhendé comme un film d’aventures que comme une réflexion sur le post traumatique et l’après Auschwitz. D’ailleurs le débat animé par Sam Braun portait davantage sur la vie dans les camps sur laquelle les élèves, très attentifs, ont posé beaucoup de questions. Pour ma part j’ai regretté que le sens particulier du mot trêve ne soit pas évoqué et que l’intention première de Primo Levi dans ce récit autobiographique ait été occultée.
Au cours de la projection du film La Différence, cette classe “black blanc beur” comme on disait à l’époque, plutôt black et beur, a été surprise que l’exclusion dénoncée et le racisme, ne soit pas un rejet anti noir. Le débat animé par Jacques Tarnero s’est focalisé non sur le problème spécifique soulevé par ce film mais sur le fait que chacun devait cultiver et accepter sa différence et les différences. Il se référait au film Billy Elliot qui venait de sortir et qu’il conseillait vivement aux élèves. Cependant s’identifier au rejet et à l’exclusion était facile pour certains d’entre eux qui ont pris la parole avec passion pour raconter une expérience personnelle.
Cette prise de parole publique et ces débats organisés par Mémoire 2000 ont pu faciliter une prise de conscience plus élaborée sur les problèmes de racisme et d’antisémitisme, même si le contexte de l’époque n’était pas aussi exacerbé et violent qu’aujourd’hui. Et c’est en cela que le travail de Mémoire 2000 est indispensable.
Danièle Huber, Professeur au lycée Simone Weil