On ne l’a pas assez souligné, mais une jeune française d’origine algérienne a remporté cette année le Goncourt des Lycéens avec “L’art de perdre”, un livre aussi remarquable qu’émouvant : la jeune Alice Zeniter se révèle là comme une écrivaine de grande valeur : petite-fille de harki, elle retrace l’histoire de trois générations de ces algériens qui s’étaient engagés dans l’armée française pour lutter à nos côtés contre les exactions du FLN.
Par dizaine de milliers, ils y laissèrent leur vie. Et comme si cela ne suffisait pas, après la guerre d’Indépendance de l’Algérie, ils furent lâchement abandonnés par la France, notre gouvernement ayant interdit à l’Armée de les rapatrier en métropole, et près de cent mille d’entre eux furent ainsi qualifiés de traîtres et exterminés. Certains réussirent néanmoins à regagner la France, où ils furent parqués dans des camps ignobles qui avaient autrefois accueilli des républicains espagnols fuyant le franquisme. Ceux-là, honorables citoyens, sont restés parmi nous, ont travaillé comme des bêtes, réussi à grand peine leur intégration, intégration par la langue et le travail, et ont, surmontant leur malheur, appris à aimer la France, qui les avait pourtant si mal traités. C’est cette douloureuse et admirable épopée que relate cet ouvrage salutaire, écrit d’une plume riche de douleur et d’amour. A lire, relire et méditer.
Elle, intellectuelle multi-diplômée, exerce la fonction de rabbin ; lui est un islamologue renommé, et tous deux nous parlent “Des mille et une façons d’être juif ou musulman”. Delphine Horvilleur et Rachid Benzine ont écrit là un ouvrage qui fera date, qui en tout cas leur fait honneur.
A lire d’urgence, cet exposé de deux religions que beaucoup voudraient sans cesse opposer constitue une véritable ode à la tolérance tout comme à la laïcité.
Nous n’en dirons pas davantage, mais de grâce, courez vite vous procurer ce livre intelligent autant qu’optimiste, que l’on quitte à regret, mais en se disant : oui, tout est possible !
Guy Zerhat