Editorial de Juillet 2016: Indifférence ou résignation

L’une ou l’autre ou bien l’une et l’autre semblent être la marque de notre manière de réagir à l’afflux des migrants, comme à la recrudescence de l’antisémitisme et de l’islamophobie et à la montée des périls engendrés par l’intolérance, le fana- tisme religieux qui permettent à la violence et au terrorisme de s’installer et au populisme de s’implanter en Europe.

Indifférence à “toutes les misères du monde” et du Moyen-Orient en particulier qui force les Syriens, les Afghans et les Irakiens à quitter leurs pays pour deman- der l’asile aux Européens, eux-mêmes “réfugiés” dans leur égoïsme et leurs angoisses du lendemain. Leur nombre et les trafics dont ils sont victimes de la part des passeurs nous conduisent à nous résigner à “l’accord de la honte”, conclu le 18 mars dernier entre la Turquie et l’U.E et à laisser aujourd’hui, par centaines, les migrants se noyer en Méditerranée, réduisant ainsi le contingent de ceux qu’il nous faudrait accueillir au nom du droit d’asile et des tractations arrêtées à Bruxelles.

Quelles que soient les causes de la différence sidérale de l’opinion française comparée à celle des Allemands (1,1 million), nous ne parvenons même pas à mettre en place les structures nécessaires à l’accueil des 30000 réfugiés qui nous ont été affectés.

Force est de constater que nous sommes en voie de “déshumanisation”. L’Europe est sur le point d’abandonner ses valeurs et sous prétexte que nous ne sommes plus les leaders et que nous ne parvenons pas à sortir de l’ornière, on préfère se réfugier dans les querelles juridico-politico- sociales qui nous font oublier l’essentiel.

Il aura fallu que ce soit un pape argentin (Mgt Beroglio devenu François) qui nous le rappelle en accomplissant ce geste au mois d’avril dernier, en accueillant au Vatican ces douze réfugiés (trois familles de réfugiés syriens musul- mans).

Ce faisant, il n’a pas même donné, alors qu’on le lui a aussitôt reproché, la préférence aux chrétiens d’Orient, eux mêmes réfugiés irakiens pourtant victimes, eux aussi, de persécutions ; simplement parce que ce qu’il a vu à Les- bos “était à pleurer” et qu’avant d’être des numéros ce sont “des personnes, des visages, des noms, des histoires” et pas seulement des numéros sur des listes ou même des symboles d’une appartenance religieuse particulière.

En tendant la main à ceux-là qui en avaient besoin, il a redonné l’espoir à beaucoup.
Cette visite du pape François à Lesbos n’était pas unique- ment symbolique. En ramenant avec lui ces 12 réfugiés syriens, il a agi beaucoup plus concrètement et avec bien plus de solidarité que nombre d’Etats membres de l’Union. Le pape nous a adressé un appel à l’action et tous devraient l’entendre, car, ce faisant il n’était pas seulement le porte parole de l’église catholique, mais celui de l’Europe et de l’humanité.

C’est le même discours que celui de Nicolas Hulot qui déplorait au début du mois de mai que “nous nous habituions à l’insoutenable” en se demandant “où est passée notre humanité”?

Depuis son appel, on a décompté 1500 noyés de plus en Méditerranée (dont 350 petits Aylan). A la mi-juin c’est 2578 migrants qu’on a recueillis au large de la Sicile, sur

les 48000 en provenance de l’Afrique subsaharienne, depuis le début de l’année 2016.
Sonia, avant la mort de son père Daniel, nous a donné au mois d’avril une recette en fournissant de l’aide aux refugiés désireux d’apprendre notre langue.

A chacun de trouver la sienne, mais nous ne pouvons plus rester indifférents ni résignés.
Voici le rêve du pape ce mois-ci :
“Je rêve d’une Europe encore jeune, capable d’être mère, qui ait de la vie parce qu’elle respecte la vie et offre de l’es- pérance de vie.

Je rêve d’une Europe qui prend soin de cet enfant, qui secoure comme un frère le pauvre parce qu’il n’a plus rien et demande un refuge.
Je rêve d’une Europe qui écoute et valorise les personnes malades et âgées, pour qu’elles ne soient pas réduites à des objets de rejet improductifs.

Je rêve d’une Europe où être des migrants ne soit pas un délit mais plutôt une invitation à un plus grand engagement dans la dignité de l’être humain tout entier.
Je rêve d’une Europe où les jeunes respirent l’air pur de l’honnêteté, aiment la beauté et la culture et d’une vie simple et non polluée par les besoins infinis du consumérisme.

Je rêve d’une Europe des familles avec des politiques vrai- ment effectives centrées sur les visages plutôt que sur les chiffres, sur les naissances d’enfants plus que sur l’augmentation des biens.

Je rêve d’une Europe qui promeut et défend les droits de chacun, sans oublier les devoirs envers tous.
Je rêve d’une Europe où on ne puisse pas dire que son engagement pour les droits humains a été sa dernière utopie.”

Il est encore temps de se réveiller et de retrouver nos valeurs.

Bernard Jouanneau

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