Le 19 août dernier, le procureur de la République de Paris a requis un non lieu pour le prêtre rwandais Wenceslas Munyeshyaka poursuivi en France pour génocide, viol de guerre constitutif de crime contre l’humanité, au motif que l’on n’aurait pas pu réunir suffisamment de charges et de preuves de sa culpabilité.
Le procureur admet “que le rôle de l’abbé Munyeshyaka pendant le génocide a pu susciter de très nombreuses interrogations en raison notamment de son comportement et de ses propos”.
Selon l’acte d’accusation du TPIR qui a renvoyé les poursuites engagées aux autorités françaises lorsqu’il est apparu que l’intéressé s’y était réfugié. Entre le 6 avril et le 2 mai l’abbé avait planifié, incité à commettre et commis lui même, aidé et encouragé des gens à préparer et exécuter le génocide. Qu’il avait donc sciemment et délibérément participé à une entreprise criminelle dont l’objet et le but étaient la destruction du groupe racial ou ethnique des Tutsis de la paroisse dont il était le servant dans l’arrondissement de Kigali.
Selon les témoignages recueillis il aurait participé à des réunions au cours desquelles avec les militaires et les militants interahamwe, ont été organisés les enlèvements et les massacres de ces paroissiens Tutsis qui ont effectivement été victimes du génocide. Il aurait en outre lui même violé une jeune fille qui en atteste et incité plusieurs interahamwe aux viols collectifs et aux meurtres. Courant avril et même jusqu’au mois de juin 94, il aurait aidé les Interahamwe à procéder à l’enlèvement et aux meurtres de Tutsis qui avaient trouvé refuge dans sa paroisse. Pour tenter de justifier son comportement, il a au mois d’août 1994, signé et envoyé au pape Jean-Paul II, avec 28 autres prêtres rwandais un mémoire dans lequel il justifiait le génocide et mettait en cause la responsabilité du FPR dans les tueries, innocentant les véritables auteurs du génocide.
Le 20 novembre 2007, le TPIR s’est dessaisi au profit de la justice française dans les poursuites contre W. Munyeshyaka. Alors que le TPIR avait considéré que les preuves accumulées contre lui étaient suffisamment graves le parquet en a jugé autrement. On peut comprendre que les Rwandais se posent aujourd’hui des questions et se demandent une fois de plus si la France, elle-même mise en cause dans la préparation et la perpétuation du génocide, ne cherche pas de cette manière à fermer Les yeux.
On attend des juges d’instruction qu’ils aient le courage de ne pas suivre ces réquisitions.
Bernard Jouanneau