Que se passe-t-il dans ce petit royaume du Nord ? Un paradis plus que riche, avec un chômage quasi inexistant, tranquille et heureux? Même les plaies provoquées par les attentats d’ Anders Breivik en 2011commencent à se cicatriser. Et pourtant, le 9 septembre, les électeurs ont rejeté les sociaux-démocrates au pouvoir depuis huit ans au profit d’une coalition de droite. Y compris le Parti du progrès, populiste et xénophobe, qui fera partie du prochain gouvernement.
Le soir des élections, tout était beau et bleu. La robe du futur Premier ministre, Erna Solberg, le décor, les yeux des militants fervents, les fleurs, les confettis – tout. La victoire avait un goût de la mer. Quel contraste après les huit ans du règne rouge de la rose du Parti travailliste. Qui n’avait pourtant pas démérité. Sous le gouvernement de Jens Stoltenberg, le pays était devenu encore plus prospère, et le pouvoir d’achat plus fort. Mais les sortants sont souvent sortis et les entrants paraissent tout neufs. D’attaque.
C’est surtout le cas du Parti du progrès (FrP), qui veut à tout prix se détacher des autres. Siv Jensen, son leader, portait une robe choc, décorée de rouges à lèvres géants. Elle eut aussi des mots choc, dont un vulgaire “Jens, dégage” qui mit le feu aux poudres des réseaux sociaux. Elle déclare que “le FrP voudrait laisser une forte empreinte” au nouveau gouvernement.
Certes, le parti perdit quelques plumes, dont 12 sièges au parlement. Qu’importe ! Garder suffisamment de poids pour entrer au gouvernement était le vrai but de Siv Jensen et elle va monnayer cher l’appui du FrP au gouvernement. Cette fois, le parti a – et voudra conserver – une réelle influence. Surtout en matière d’immigration, et de dépenses publiques.
Selon les experts, le FrP n’est pas, ou plus, d’extrême droite, comme le FN en France. Non, mais Anders Breivik y trouva cependant des idées à son goût, avant de le quitter parce que “trop timoré”. Le FrP condamna immédiatement les actes terribles de son ancien membre, tout comme il nie tout contact avec d’autres partis plus extrêmes. Il n’est pas raciste, du moins officiellement, et les leaders évitent soigneusement tout langage limite. Xénophobe, oui.
La Norvège irait tellement mieux sans tous ces immigrés. Populiste, c’est sûr, prenant souvent pour cible “les élites” et prônant le recours au “peuple”. Ce peuple qu’il flatte en permanence dans le sens du poil, exacerbant ses frustrations et réveillant par- fois ses préjugés tels que le nationalisme ou la défense des réflexes sécuritaires. Il a en revanche des réflexes dépensiers : le FrP veut résoudre beaucoup des problèmes en puisant dans la manne pétrolière norvégienne. Mais voyons.
Cependant, c’est Erna Solberg et le Parti Conservateur qui tiennent les rênes, tout comme les cordons de la bourse. Elle a mis longtemps à se décider à ouvrir les portes du gouvernement au FrP. Pense-t-elle, comme certains experts le suggèrent, que c’est le meilleur moyen de le faire échouer? Ça n’a pas été le cas dans d’autres pays. Et le FrP a déjà vécu 40 ans, en traversant plusieurs grandes crises. Il est solidement implanté partout dans le pays, et il peut encore faire des progrès.
L’exemple norvégien pourra-t-il servir d’exemple à d’autres pays européens? À voir, mais c’est tentant de penser à la France, si la droite revenait au pouvoir. D’ici là, Marine Le Pen aura eu le temps de gommer les empreintes trop extrêmes du Front National, tout comme Siv Jensen a astiqué le Parti du progrès avant qu’il franchisse le seuil gouvernemental. À moins d’un faux pas, si vite arrivé. Certains l’espèrent déjà à Oslo.
Vibeke Knoop