Journal d’Octobre 2018 : Le cimetière des inconnus

Nous avons souvent, dans notre journal, évoqué la dramatique situation des migrants contraints de passer par la Libye pour atteindre la Méditerranée.

Ce passage par la Libye expose les migrants à toutes sortes de trafics. Ils sont torturés, rackettés, vendus comme esclaves.

Cet esclavage, on espérait qu’il aurait pris fin avec le gouvernement de transition, mais, hélas, il n’en est rien et ce gouvernement s’avère bien incapable d’enrayer un commerce aussi lucratif.

Tant que régneront l’instabilité et le chaos qui sont loin d’être jugulés dans cette région, l’esclavage perdurera.  Les migrants en feront les frais, ils essaieront inlassablement de traverser la Méditerranée et continueront à périr en mer sans que cela ne fasse désormais “la une”.

On s’est habitué !!!

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© DR/ Chamseddine Marzoug

Il y a cependant un homme qui, lui, ne s’est pas habitué à l’horreur et qui depuis 2011, seul, continue sans relâche, ni répit à donner une sépulture à des cadavres, ou bouts de cadavres, qui échouent sur la plage de Zarzis, dans le sud tunisien, à quelques encablures de la Libye. Il a “créé” ainsi un cimetière que l’on nomme “le cimetière des inconnus” car les morts y sont anonymes.

Cet homme, Chamseddine Marzoug, ex-pécheur, volontaire du Croissant rouge, s’est donné pour mission de redonner leur humanité, en leur offrant une sépulture digne, à tous les migrants morts d’avoir espéré en quittant leur pays, fuir la guerre, et/ou accéder à une vie meilleure pour eux et leurs enfants.

Ces hommes, femmes et enfants, ces “damnés de la terre”, oubliés de leurs pays d’origine et du reste du monde, retrouvent dans ce cimetière un semblant de respect et d’humanité grâce à cet humble pêcheur.

Chamseddine Marzoug a déjà enterré plus de 400 cadavres et le cimetière est désormais “complet”. Il cherche de l’aide pour acheter un autre terrain pour poursuivre son action.

Cet homme est un exemple pour la communauté internationale. Il ne cherche ni honneur ni notoriété mais s’obstine simplement à considérer les réfugiés comme des êtres humains là où d’autres les considèrent comme des marchandises ou des nuisibles.

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Lilidheb Mohsen (© reinh_3008 / Flickr)

Dans le même état d’esprit, un autre homme, ami de Chamesddine, Mohsen Lihidheb, lui, dédie sa vie depuis de longues années à ce qu’il a appelé “Action mémoire de la mer et de l’homme”.

Lihidheb Mohsen a décidé de collecter méthodiquement des dizaines de milliers d’objets appartenant à des migrants que la mer recrache sur le littoral, et qui témoignent de ces vies prématurément fauchées.

Tous ces vêtements, baskets, sacs de femmes, vêtements d’enfants, lunettes … constituent une “sorte” de musée des migrants. C’est un étrange musée, mais qui en dit long.

Ces deux hommes, en plus de leurs actions désintéressées et uniquement tournées vers la considération et le respect de l’Autre, nous rappellent aussi que, comme le disait Malcom X : “si l’on n’est pas vigilants on arrivera à détester les gens opprimés et à aimer ceux qui les oppriment”.

Qu’ils en soient remerciés.

Lison Benzaquen

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