Bernard Jouanneau est parti et notre tristesse, immense, n’est pas près de nous quitter. Mais, nous nous devons, nous lui devons, de reprendre le cours de notre action. Aussi nous livrons ici les comptes rendus des séances là où nous les avons laissés avant de décès de Bernard.
Sur le chemin de l’école
Thème : l’éducation
Débattrice : Mme Agnès Buzyn, hématologue, Ministre de la santé
“7 jours à Kigali” était le film pressenti. Nous avons dû l’annuler faute de réservations. Le génocide des tutsis n’intéresse manifestement pas les professeurs, sans doute le thème est-il trop grave et déstabilisant puisqu’il ne trouve pas son public (2ème année en échec) ?
En remplacement, nous avons choisi in extremis, ce magnifique film.
l est long, le chemin qui mène à l’école : des kilomètres à parcourir, pendant des heures et des heures. Pour Jackson (11 ans) au Kenya comme pour Zahira (12 ans) au Maroc, pour Samuel (13 ans) en Inde et Carlito (11 ans) en Patagonie. Quand ils se mettent en route, la distance et le temps du parcours s’affichent à l’image, écrasants. Voilà ce que souligne ce documentaire original : trop loin de tout, ces enfants iront à l’école à pied, à cheval, dans le cas de Carlito, et, pour Samuel, handicapé, en fauteuil roulant poussé cahin-caha par ses deux frères. Tous se lancent, au travers de paysages incroyables, dans un périple à haut risque qui les conduira vers le savoir.
Deux classes d’élèves d’école primaire (une fois n’est pas coutume) et une classe d’enfants non francophones ont été séduits par ce film. Séduits et étonnés quand on entend les questions des petits de 8 ans : “mais pourquoi, les parents n’accompagnent-ils pas leurs enfants à l’école” ? Question tellement naïve pour cet enfant qui, subitement réalise que tous les enfants n’ont pas la même chance que lui, chance d’être en France avec une scolarité facilitée par les infrastructures.
Beaucoup d’interrogations également sur le handicap. L’exemple de ces écoliers qui poussent le fauteuil roulant du frère ainé à travers les routes sablonneuses et même les rivières les a beaucoup questionnés. Le danger potentiel au Kenya avec les éléphants sauvages a troublé une fillette qui a tout de même remarqué que son père “aimait beaucoup ses enfants car il recommande au fils de faire bien attention et il bénit son stylo avant de partir”. Ces enfants, malgré leur très jeune âge, ont réalisé que les parents avaient à cœur d’envoyer leurs enfants à l’école, que c’était même une priorité : “ils veulent que leurs enfants aient un bon métier plus tard”, a remarqué un élève. Quant aux grands élèves de la classe d’accueil, timidement, quelques uns ont pris la parole dans un français encore approximatif, ils se sont, pour certains, retrouvés dans ces parcours difficiles et ont envoyé un message aux plus petits pour leur signifier à quel point ils étaient privilégiés de pouvoir fréquenter l’école si jeunes! Une jeune fille a expliqué que sa famille était trop pauvre pour l’envoyer à l’école, une autre, ce sont les Talibans de son pays qui interdisaient l’accès à l’école, en particulier aux filles.
« Est-ce que leurs rêves se sont réalisés? » demande encore un petit élève du CE1; Madame Buzyn, parle alors non pas de rêve mais de désir; “le désir, dit-elle est ce qu’il y a de plus fort dans un être humain. Il faut que vous en ayiez, c’est la priorité ».
Le professeur de la classe d’accueil prend la parole et explique que ses élèves n’osent pas trop parler car dans le pays de certains élèves, c’est la guerre qui empêchait les enfants d’aller à l’école, une élève se lève et adresse encore un message aux jeunes: « ici, on est vraiment libres! » Applaudissements fournis des petits.
L’intérêt de cette séance fut double:
1- les messages de solidarité, d’entraide, de désir de réussite délivrés par le metteur en scène,
2- les échanges au sein même de la salle de cinéma entre de très jeunes enfants parisiens et les moins jeunes qui venaient de très loin, furent très enrichissants.
Kenya, Maroc, Inde, Patagonie, quel que soit le continent, le problème est le même lorsqu’on est pauvre, le film le montre et surtout insiste sur le désir des enfants qui veulent sortir des difficultés de leurs parents et les aider.
Nos élèves en ont pris conscience et… vive l’Ecole de Jules Ferry gratuite, obligatoire et laïque!
Joëlle Saunière