Journal d’Avril 2016: C’est la laïcité qu’on assassine !

Je n’étonnerai personne en affirmant que la Laïcité est constamment menacée depuis plusieurs années, et cela dans le pays où elle fut inventée! Evidemment, la veulerie de notre personnel politique étant sans limite, cela pourrait être décourageant, mais il n’est pas question de baisser les bras, en espérant qu’il ne soit pas trop tard… Oui, il nous faut plus que jamais défendre cette création de la République, devenue un acquis légal depuis 1905. Séparation du pouvoir temporel et spirituel, cela veut dire «l’Etat aux manettes, et Dieu chez lui».

Ecoutons tout d’abord Malika Sorel-Sutter, qui fut membre du Haut Conseil à l’Intégration: Les Français sont profondément attachés à la laïcité. Ils la considèrent comme la

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Malika Sorel-Sutter, essayiste française et membre du Haut Conseil à l’Intégration

dimension républicaine la plus importante, et sont 46% à la placer en tête, devant le suffrage universel, 36%. Aujourd’hui plus qu’hier, ils ont compris qu’elle les protégeait d’offensives religieuses visant à transformer la société pour mieux pouvoir lui dicter son comportement. La laïcité est le principe organisateur des sociétés qui laisse aux hommes la liberté de penser, de douter, de réfléchir, et de marcher ainsi vers l’innovation et le progrès, en se dotant de lois qui ne sont pas la transmission de commandements divins : liberté, doute, réflexion, progrès, tout y est. Mais les partis politiques bafouent
la laïcité, la prennent pour variable d’ajustement, 
tout en chantant aux citoyens la berceuse du respect du pacte républicain. Oui, faut-il vraiment rappeler les sempiternelles querelles sur le voile, l’alimentation, les fêtes religieuses, les refus de soins, 
les médecins agressés, etc.? Or, la laïcité, en gardant à distance respectueuse le religieux dans la conduite des affaires de ce monde, permet de créer les conditions de l’émergence d’une fraternité entre les hommes. Cette fraternité appelée avec tant de force et d’espoir par Abdenour Bidar. Donc, cette laïcité, il nous faut la défendre à tout prix, car c’est le moyen le plus sûr de contrer l’intégrisme et l’obscurantisme qui nous menacent. Mêmes arguments chez la chroniqueuse Natacha Polony, parfois raillée pour des convictions qui personnellement me semblent pourtant d’une cruelle évidence : La laïcité n’est pas une norme ni une règle, elle n’est pas une conviction, ni même une opinion politique. La laïcité est un principe, c’est-à-dire le cadre dans lequel peut s’organiser la République. Un cadre neutre qui constitue l’espace public dans lequel les citoyens sont des individus égaux, considérés en dehors de leurs convictions, leur origine ou leur sexe. Elle repose donc sur une séparation fondamentale, la frontière entre espace public et espace privé, parce que c’est la garantie la plus solide des libertés. On ne saurait mieux dire. Mais écoutons encore Natacha Polony : Spécificité française, la laïcité est le fruit de l’histoire. Conquise de haute lutte contre le pouvoir temporel de l’Eglise catholique, lutte à laquelle participaient des hommes politiques, des penseurs, des écrivains, des philosophes. C’est Rabelais moquant la Sorbonne, c’est Voltaire prêchant la Tolérance, c’est Victor Hugo, mais c’est aussi le rire, la dérision, le dessin de presse, et c’est enfin ce droit arraché avec force, le droit au blasphème. Encore le terme est-il impropre : il n’est de blasphème que pour le croyant. Celui qui ne croit pas ne blasphème pas, il moque ce qui ne constitue pour lui qu’une superstition. Et il en a le droit… La laïcité est un état d’esprit, une façon de vivre en société qui implique qu’on ne cherche pas à imposer à autrui son individualité.
Voilà, tout ou presque a été dit. Il reste à présent à considérer les deux camps qui depuis quelques années s’affrontent sur un terrain qui devrait rassembler plutôt que de diviser. A l’heure de recenser les ”agresseurs” de la laïcité, ceux qui sont prêts à la brader sans scrupule aucun, on me permettra de citer Pierre Manent, Edwy Plenel, Emmanuel Todd (vous savez, celui qui n’était ni CHARLIE, ni journaliste, ni Juif), Alain Badiou, Michel Onfray, Jean-Louis Bianco et quelques autres. Prêts à céder aux communautarismes, frisant un comportement munichois. J’avoue que leur attitude me laisse un peu perplexe. Ya-t-il là une sorte de “haine de soi” que j’ai du

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Rachid Boudjedra, écrivain et poète algérien de langues arabe et française

mal à comprendre ? Combien je préfère les prises de position courageuses et sans équivoque de Régis Debray, Michel Vauzelle, Elisabeth Badinter, Jean Glavany, Alain Finkielkraut (que l’on s’acharne à enrôler sous la bannière des néo-réacs, mais à qui l’Académie vient heureusement de reconnaître un talent hors du commun), et surtout ces intellectuels d’origine maghrébine, les admirables Rachid Boudjedra, Boualem Sansal, Kamel Daoud, Abdenour Bidar (déjà nommé) et l’admirable Abdelwahab Meddeb disparu l’an dernier. Etre né outre-mer et vivre en France ou simplement adhérer au Pacte Républicain, cela rendrait-il donc plus lucide et plus courageux, et éviterait cette forme de “soumission”? Non, vraiment, on n’est pas obligé de donner raison à Houellebecq (lui, au moins, sait manier la dérision).

Guy Zerhat

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