
Au cœur de l’Auvergne, au début des Cévennes, le Plateau Vivarais-Lignon compte environ 10.000 habitants. Au cœur de ce Plateau, Le Chambon-sur-Lignon est un joli petit village de 3.000 âmes, à 1.000 mètres d’altitude. Dans la rue, sur la Place du Marché, dans les boutiques et les cafés-restaurants, les gens sont souriants, aimables et d’une discrétion admirable. Et pourtant, ce sont tous des héros, ou des fils et petits-fils de héros : pendant la deuxième guerre mondiale, la région tout entière a sauvé des réfractaires au STO et surtout des Juifs recherchés par les Allemands et les sbires de Pétain.

A l’instigation du Pasteur André Trocmé, de sa femme Magda et d’un autre pasteur, Edouard Theys, ils ont recueilli et caché dans leurs maisons, leurs fermes et leurs bois, des familles de Juifs, leur ont fourni des papiers d’identité, des cartes de rationnement, ainsi qu’une aide pour franchir la frontière suisse. Certains ont payé de leur vie ce courage, tel ce cousin du Pasteur Trocmé, mort à Maidanek. Le Chambon étant ville huguenote depuis le 16ème siècle, les habitants, presque tous protestants, savaient ce que persécution veut dire. Quelques catholiques les ont aidés dans leur entreprise de sauvetage.
En 1990, le gouvernement d’Israël a reconnu la région et ses habitants comme “Justes parmi les Nations”, un jardin et une stèle en témoignent à Yad Vashem. En 2004, le Président Chirac opposa à “ceux qui commirent l’irréparable” (les Français responsables de la Rafle du Vél’ d’Hiv’) le choix de la tolérance, de la solidarité et de la fraternité des villageois du Plateau.
Depuis 2013, on peut visiter le “Lieu de Mémoire” du Chambon-sur-Lignon, musée qui regroupe les traces de la désobéissance civile collective des habitants du Plateau et de leur sauvetage des Juifs au cours de la seconde guerre mondiale. Des témoignages audio-visuels absolument poignants racontent cette admirable épopée, ces actes d’héroïsme.
La région, très agréable à visiter, abrite le Collège Cévenol, de renommée internationale, où Paul Ricœur enseigna pendant trois ans.
Tout au long de l’année, la municipalité, très active, organise des conférences, des débats et des projections de films. C’est ainsi que nous avons pu assister à la projection du dernier film sur Mandela, cet autre combattant pour la Liberté et la Paix.
Nous avons été à plusieurs reprises reçus avec infiniment de chaleur et de spontanéité par des gens absolument admirables. Tous sont d’une amabilité, d’une sensibilité et d’une modestie incroyables, gênés que l’on puisse les féliciter pour leur courage et celui de leurs parents et grands-parents. Et si nous persistons dans cette voie, ils nous font la même réponse que leurs parents et grands-parents ont faite aux Allemands qui leur demandaient où étaient cachés ces Juifs qu’ils recherchaient : “Nous n’en savons rien, nous ne savons d’ailleurs pas ce que c’est qu’un Juif, nous ne connaissons que des êtres humains”. Et ils passent rapidement à autre chose, quand l’émotion nous serre la gorge…
Oui, vraiment, Le Chambon-sur-Lignon, c’est quelque chose, quelque chose qui vous réconcilie avec l’âme humaine, surtout en ces temps de violence et de barbarie. On y prend un bain d’humanité, on a envie de leur dire : “ Merci, merci pour ce que vous êtes et ce que vous avez fait, merci d’exister”.
Des endroits où l’air est si pur et si léger, ça ne court pas les rues dans notre beau pays ! Allez-y donc, la région est belle, vous ne regretterez pas le voyage ! Pour notre part, nous consultons déjà le calendrier pour une visite qui pourrait bien devenir annuelle…
Guy Zerhat