1933 – 2013 : quatre-vingts ans se sont écoulés depuis l’accession d’Hitler au pouvoir.
On pourrait croire qu’après tout ce temps on ait “fait le tour” du personnage et qu’il soit désormais rangé au rayon des monstres ou d’erreurs de la nature au même titre que d’ autres. Que nenni!!
Depuis la fin de la guerre et la découverte de l’horreur inédite, le monde n’a cessé d’essayer de comprendre. Comprendre comment un homme, décrit comme médiocre et raté, a pu réussir à subjuguer tout un peuple au point de lui faire accepter et accomplir des actes inimaginables.
On sait que l’on peut toujours, avec succès, faire appel aux plus bas instincts de l’ homme mais ce qu’ a obtenu Hitler des Allemands dépasse tout entendement et toute imagination.
La fascination exercée naguère par Hitler reste donc un mystère. Mais aujourd’hui? 80 ans après, alors que la prise de conscience de ce que fut le nazisme a créé un véritable électro- choc, comment se fait-il que le personnage d’Hitler continue de fasciner et les Allemands plus que les autres?
La production d’ouvrages, de films, d’expositions de toutes sortes qui lui sont consacrés est innombrable et connaît un immense succès auprès des jeunes et des moins jeunes. Hitler, figure du mal absolu, hante, hypnotise, attire, subjugue.
Les Allemands cherchent-ils à travers ces diverses manifestations une réponse à la “lâcheté” ou à la “passivité” qui ont conduit tout un peuple à suivre sans état d’âme un démon illuminé? Cherchent-ils un exorcisme?
L’historien britannique Ian Kershaw explique cette fascination par la combinaison de trois élèments : “le mal, le mystère et le drame. Hitler incarne le diable… Il reste un personnage mystérieux : comment cet homme venu de nulle part, qui n’est issu ni de l’armée ni de la bourgeoisie, a-t-il pu prendre le pouvoir en si peu de temps et mettre en œuvre une telle destruction ? Enfin le drame : il s’est suicidé dans sa propre ville et on n’a jamais retrouvé son corps…”
Ce cocktail fait d’Hitler un personnage romanesque hors du commun, quasi mystique. Cela rend difficile pour les Allemands, d’une part de banaliser cette monstrueuse figure sans éprouver une énorme culpabilité, d’autre part de rester fidèles à leurs ainés et leur garder leur affection. Ce déchirement est renforcé par la notion de culpabilité collective enseignée à l’école. C’est sans doute ce tumulte de sentiments qui rend les Allemands si curieux d’Hitler.
Il est également impossible d’atteindre un équilibre entre la banalisation du personnage et son extravagance. Réduire Hitler à un être ordinaire permettrait aux plus faibles de s’identifier à lui avec des effets dramatiquement dangereux. Cultiver la monstruosité du personnage peut en faire pour certains une figure répulsive, mais pour d’autres, très attractive, ce qui est malheureusement déjà le cas pour nombre de groupuscules qui s’en inspirent sans vergogne.
Alors? En dépit de toutes les analyses, le mystère de cet engouement demeure entier et probablement faudra-t-il plus de temps que pour d’autres phénomènes historiques pour que ce personnage démesuré puisse trouver “sa” place dans l’histoire.
Lison Benzaquen