Journal d’Avril 2013: le voyage d’Alger

000_nic6167301“Il y a un temps pour chaque chose” dit l’adage populaire. C’est vrai. On vient de le constater avec le récent voyage de François Hollande en Algérie.

Il a fallu attendre 50 ans – il semble que ce soit à peu près le temps nécessaire à l’humain, pour qu’il puisse aborder sans trop de passion, des événements traumatisants de son histoire – pour que la France tienne, face aux Algériens, un langage à la fois apaisant, vrai, lucide sans pour autant verser dans une “repentance” inappropriée.

D’une certaine manière, la voie avait été déjà entr’ouverte par J. Chirac et N. Sarkozy, l’un, en 2003, évoquant “deux histoires liées pendant 132 ans” , l’autre déclarant en 2007, que la colonisaton était un “système profondément injuste”.

Mais pour la première fois, c’est le “système de la colonisation injuste et brutal” qui a été dénoncé. Système qui a permis d’infliger au peuple algérien “violences, injustices, massacres et torture” et ce pendant tout le temps qu’a duré la colonisation, c’est à dire 132 ans, et pas seulement pendant la guerre. Seule la reconnaissance d’un traumatisme comme celui subi par l’Algérie durant de si longues années, peut conduire à l’apaisement.

Comme l’a aussi souligné François Hollande, le langage de vérité constitue le “socle” sur lequel “la véritable amitié peut se développer… Rien ne se construit dans la dissimulation, dans l’oubli, encore moins dans le déni”.

Même si la vérité est douloureuse, il faut la dire. Aussi le président français n’a-t-il pas hésité à évoquer les massacres de Sétif du 8 mai 1945 qui se sont produits “le jour même où le monde triomphait de la barbarie et où la France manquait à ses valeurs universelles”.

Le système colonial dénoncé, François Hollande s’est autorisé à rappeler que tous les Français n’étaient pas complices de ce système et qu’il a existé des solidarités françaises souvent oubliées.

Il convoqua pour cela, de grandes figures, comme Clémenceau qui déjà dans les années 1880 s’était opposé farouchement à la politique impérialiste de Jules Ferry, puis, plus près de nous, André Mandouze qui fut l’un des fondateurs du journal Témoignage Chrétien, interné en 1956 à la prison de la Santé pour son soutien actif au FLN. Il fut aussi l’un des premiers à dénoncer la torture en Algérie. Il signa le “manifeste des 121” en faveur du “droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie”. André Mandouze peu connu en France, jouit d’une très grande popularité et admiration en Algérie. Furent cités aussi Mauriac, Germaine Tillon véritables patriotes qui avaient combattu le nazisme, et le jeune Maurice Audin. Tous se retrouvèrent aux côtés des Algériens contre le colonialisme.

Ces ingrédients habilement dosés ont fait de ce voyage un succès. Une promesse de réconciliation sur le long terme. Mais si la France a parcouru une partie du chemin qui mène à l’amitié et à l’apaisement, il reste à l’Algérie à faire aussi un bout de chemin dans ce sens et reconnaître sa part de violence contre la France et aussi contre une partie des Algériens dissidents. Car s’il est une vérité qui est demeurée tue de part et d’autre, c’est celle concernant les Harkis. Pour eux toujours pas de reconnaissance de leurs “massacres et tortures”. Ils sont les oubliés volontairement sacrifiés sur l’autel de la réconciliation.

Il y a quand même là, une injustice difficile à avaler sans la réparation de laquelle on peut douter que l’avenir soit aussi radieux qu’on le souhaiterait.

Lison Benzaquen

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