En moins de trois mois la face du monde a changé plus rapidement et plus intensément qu’on ne pouvait l’imaginer l’année dernière.
Il ne s’agit pas seulement des révolutions arabes qui ont bouleversé la physionomie de la Méditerranée et qui touchent le Maghreb et le Moyen-Orient. Il s’agit des bouleversements économiques au sein de l’Union Européenne qui atteignent la Grèce, l’Irlande, l’Espagne et le Portugal et de l’appel à la solidarité européenne nécessaire à sa sauvegarde et à son maintien, et plus récemment encore de la terrible secousse sismique qui a ravagé la côte Est du Japon et fait prendre conscience à tous de la menace de mort que le développement de l’énergie nucléaire faisait peser sur la survie de l’humanité.
Les événements succèdent aux mouvements et prennent tantôt l’allure de catastrophes tantôt l’amorce d’une véritable révolution et tout cela sans que nos idées, nos valeurs et nos sociétés occidentales aient le temps ou l’occasion de se faire entendre et de réagir.
Aux soulèvements populaires, à l’ouragan des revendications sociales et libertaires, nous avons assisté, ébahis, inquiets, sceptiques et finalement impuissants à les encourager, à les relayer ou à les arrêter.
Pendant que les peuples se réveillaient de leur torpeur ou de leur servitude millénaire, nous n’avions d’autres préoccupations que celles de nos sondages et des candidatures ébauchées, retenues ou annoncées dans la perspective d’une élection présidentielle hexagonale
En plein “Tsunami” populaire en Egypte et en Tunisie, avant que ne surgissent les errements meurtriers du colonel Khadafi, nous n’avions d’autres soucis que ceux attachés à la villégiature hivernale de quelques ministres et au jeu des chaises musicales au sein du gouvernement remanié, destiné à rééquilibrer les forces en présence au sein d’une majorité désorientée dans l’attente de l’annonce de candidatures à gauche esquissée, ou retenue.
En guise de réplique aux secousses venues des pays arabes, les médias nous ont servi par vagues successives les résultats cumulés des sondages et des élections cantonales favorables à la montée de la vague Marine, aussitôt relayée par la rengaine du “front Républicain” sur un air de sursaut de la politique sécuritaire et de la crainte salutaire des risques de l’immigration devenue incontrôlable.
Au débat sur “l’identité nationale” de l’an dernier on a aussitôt proposé de substituer le “grand Air ” de la laïcité qui devait interdire le port de la burqua dans les lieux publics et les rassemblements aux heures de prière sur la voie publique des musulmans soucieux de manifester leur attachement à leurs rites religieux.
A l’extrême droite et sans changer de registre, la fille a remplacé le père à la tête du FN. Elle semble avoir rencontré l’intérêt des médias et la faveur des sondages, mais le refrain reste le même
Pendant qu’on mettait la magistrature au pas, sans lui fournir les moyens d’assurer le service public dont elle a la charge, on assurait la promotion des humoristes et des “intellectuels” invités du Président et du Parti majoritaire, au nom de la défense de la liberté d’expression, pour mettre un coup d’arrêt définitif aux lois mémorielles.
Alors que tout reste à construire pour assurer le succès de la révolte des peuples asservis ou endormis sous le poids de la dictature ou de la religion, nous offrons le spectacle d’une société politiquement décadente exclusivement préoccupée du maintien de son pouvoir en place et de sa réélection ou de l’évocation illusoire d’un espoir de renouveau émanant de la vague bleue du Front National.
Et si nous assistions enfin à un renouveau qui nous vienne d’ailleurs :
*A la mise en place par les peuples eux mêmes d’une véritable démocratie qui n’assure plus aux tyrans et aux dictateurs le maintien de leur opulence.
*Au respect de l’environnement et des rythmes de la nature par la recherche effective de sources d’énergie renouvelable.
*Au fonctionnement effectif d’une justice internationale.
*A la reconnaissance universelle du droit d’ingérence dans les pays asservis et martyrisés par leurs dirigeants.
*A la réduction des inégalités résultant des régimes fiscaux disparates.
*A la reconnaissance effective et garantie de l’existence des Nations reconnues par l’organisation des Nations Unies.
*A la reconnaissance de l’étranger comme un autre soi-même et non comme un danger ou une menace
*A l’accès des jeunes au marché du travail et à la place des anciens au sein de leur famille.
*A la libre expression des idées et des croyances, dans le respect de la vie privée, des origines, des pratiques, des différences, des cultures et de la mémoire.
*A une répartition moins inégalitaire et choquante des richesses disponibles et accessibles et du travail.
*A une réduction et une limitation des dépenses d’armement.
On attend des populations arabes en mouvement qu’elles traduisent en actes et en idées leurs aspirations et si la Libye pouvait être le premier pays qui parvienne à se libérer du joug de la dictature, avec l’aide de la Communauté internationale, on ne pourrait que s’en réjouir.
Tous les espoirs sont permis à ceux qui voudraient admettre le respect d’autrui comme une exigence universelle et quotidienne des hommes les uns envers les autres.
L’EGALITE et la LEGALITE en constituent le plus sûr moyen d’accès.
Bernard Jouanneau