Journal d’Avril 2011 : Voltaire, le tremblement de terre de Lisbonne, et celui du Japon en 2011

Sur le désastre de Lisbonne

Nous ne pouvions pas rester indifférents au malheur qui a frappé le Japon.

Pour marquer notre solidarité avec les victimes, nous leur dédions le magnifique poème écrit par Voltaire lors du terrible tremblement de terre survenu à Lisbonne en 1756. Ce poème aurait pu être écrit aujourd’hui, et, mieux que tout discours, nous dit l’essentiel.

Nous vous en livrons ici les premiers vers.

“TOUT EST BIEN”

“O malheureux mortels! ô terre déplorable!

O de tous les mortels assemblage effroyable!

D’inutiles douleurs éternel entretien!

Philosophes trompés qui criez: “Tout est bien”

Accourez, contemplez ces ruines affreuses

Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,

Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés,

Sous ces marbres rompus ces membres dispersés;

Cent mille infortunés que la terre dévore,

Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,

Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours

Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours!

Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,

Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,

Direz-vous: “C’est l’effet des éternelles lois

Qui d’un Dieu libre et bon nécessitent le choix”?

Direz-vous, en voyant cet amas de victimes:

“Dieu s’est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes”?

Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants

Sur le sein maternel écrasés et sanglants?

Lisbonne, qui n’est plus, eut-elle plus de vices

Que Londres, que Paris, plongés dans les délices?

Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris.

Tranquilles spectateurs, intrépides esprits,

De vos frères mourants contemplant les naufrages,

Vous recherchez en paix les causes des orages:

Mais du sort ennemi quand vous sentez les coups,

Devenus plus humains, vous pleurez comme nous.

Croyez-moi, quand la terre entrouvre ses abîmes

Ma plainte est innocente et mes cris légitimes

Partout environnés des cruautés du sort,

Des fureurs des méchants, des pièges de la mort

De tous les éléments éprouvant les atteintes,

Compagnons de nos maux, permettez-nous les plaintes.

C’est l’orgueil, dites-vous, l’orgueil séditieux,

Qui prétend qu’étant mal, nous pouvions être mieux.

Allez interroger les rivages du Tage;

Fouillez dans les débris de ce sanglant ravage;

Demandez aux mourants, dans ce séjour d’effroi

Si c’est l’orgueil qui crie “O ciel, secourez-moi!

O ciel, ayez pitié de l’humaine misère!” […]

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