
En raison des grèves, quelques classes n’ont pu être au rendez-vous. Étaient présents 16 élèves de 3ème du collège Guillaume Apollinaire et 32 élèves de 3ème du collège Ronsard à Saint Maur avec leurs enseignants.
Le synopsis
France 1942. Gerbier, ingénieur des Ponts et Chaussées est également l’un des chefs de la Résistance. Dénoncé et capturé, il est incarcéré dans un camp de prisonniers. Alors qu’il prépare son évasion, il est récupéré par la Gestapo…
L’intervenant
Guillaume Piketty est Professeur d’histoire à Sciences Po. Il a été Directeur des études (1995-1999) et directeur adjoint (1999-2003) de Sciences Po. Ses recherches portent sur l’histoire sociale et culturelle de la Seconde Guerre mondiale en France et en Europe, et, plus largement, sur le phénomène guerrier et le phénomène résistant ainsi que sur les sorties de conflit depuis le début de la guerre civile américaine.
Le film bien qu’excellent ne correspond pas tout à fait aux habitudes cinématographiques des jeunes (longueur, peu d’actions, peu de dialogues) cependant on les a sentis touchés par les émotions qui se dégagent de ce film, ceci renforcé lorsqu’ ils ont compris, à la fin du film et au cours du débat, qu’il s’agissait de faits réels.
À la suite du générique cette affiche a été projetée tout au long du débat de façon à mettre en mémoire les noms de quelques résistants(e)s célèbres.

Dès le départ, Guillaume Piketty a posé des questions par rapport au film : ce que les élèves en pensaient, ce qu’ils connaissaient, s’ils savaient comment le film avait été tourné.
Réponses des élèves : long mais intéressant – utilisation de vieilles caméras – d’après l’œuvre d’un écrivain qui a écrit pendant la guerre
Guillaume Piketty : À Londres, le général de Gaulle a demandé à Joseph Kessel d’écrire un roman à partir d’interviews de résistants venus le rejoindre. Donc tout est vrai. En 1967-68 Jean-Pierre Melville suit très fidèlement le roman de Joseph Kessel, écrit en 1943, mais ajoute quelques détails de ses propres souvenirs de résistant. Quand on connaît bien le film on peut reconnaître les différentes personnalités qui se cachent derrière les personnages du film.
Il les présente sur la photo projetée, très peu d’élèves en connaissent.
Un élève : Ils font des choses choquantes comme tuer Mathilde, je ne voyais pas la résistance comme ça et en même temps, c’est une grande famille. J’ai trouvé ce film très froid mais je l’ai aimé même s’il n’y a pas beaucoup d’actions.
Guillaume Piketty : C’est le propre de toute guerre, les batailles ne sont pas permanentes, quant à l’esprit de famille vous avez raison, pour de nombreux résistants (repensez au personnage de Jean-François) c’est une nouvelle famille.
Une élève : Est-ce que la fille de Mathilde est partie en Allemagne ?
Guillaume Piketty : On ne sait pas, peut-être qu’elle a survécu.
Il attire l’attention des élèves sur le fait qu’il y avait moins de femmes que d’hommes (à peu près 30%) et très peu à un poste important. D’autre part après la guerre, les femmes sont restées très modestes sur leurs actions et peu d’hommages leur ont été rendus.
Guillaume Piketty : Quelles résistantes connaissez-vous ?
Une élève : Lucie Aubrac, elle a fait sortir de prison son mari également résistant.
Guillaume Piketty : Elle l’a même fait 3 fois : une fois quand il était prisonnier de guerre, une fois d’une institution et la dernière d’une prison allemande. Elle a osé aller voir Klaus Barbie, elle a raconté qu’elle était de famille noble, enceinte d’un des détenus et que sa famille exigeait qu’elle se marie, une fois le mariage effectué elle partirait n’ayant aucun sentiment pour cet homme. Klaus Barbie a demandé à ce que Raymond Aubrac soit amené à la kommandantur et pendant le transfert les résistants ont libéré Raymond Aubrac qui s’est enfui avec Lucie à Londres où elle a accouché de leur bébé.
Un élève : Comment entrait-on dans la résistance ?
Guillaume Piketty : « on ne frappe pas à la porte de la résistance » (Raymond Aubrac), cela se fait à tâtons, par des petites aides au départ, par cooptation…
Le même élève : Et pour en sortir ?
Guillaume Piketty : Par un choix personnel (j’ai fait ma part, j’arrête), par obligation (être arrêté), par conséquence (être exfiltré parce que quelqu’un a parlé). Beaucoup de gens parlent sous la torture mais le plus tard possible pour laisser le temps au réseau de disparaître (99,5%). Trois grands chefs n’ont pas parlé : Jean Moulin, Jean Cavaillès et Pierre Brossolette.
Il attire l’attention sur une scène du film : la remise de médaille par le Général de Gaulle à Jardie du point de vue cinématographique : la contre plongée qui fait paraître De Gaulle immense, le regard très haut, très admiratif et très fier de Jardie ici identifié à Jean Moulin. Il s’agit de la croix de la Libération qui a été distribuée avec parcimonie : 1038 à des individus (dont 50 à des étrangers), 75 à des communautés et 18 à des unités militaires.
Une autre scène du film va permettre d’aborder la notion de différents niveaux d’engagement : la scène du barbier (joué par Serge Reggiani).
Un élève : Il lui donne un nouveau manteau pour que les Allemands ne le reconnaissent pas.
Guillaume Piketty : Cela renvoie à une notion de résistance civile : on peut dire qu’il y a 3 cercles dans la façon de vivre cette notion de résistance
1 – le centre : la résistance institutionnelle, les réseaux, les individus qui aident de façon répétée
2 – le 2ème cercle : ceux qui aident de façon exceptionnelle, mais c’est tout aussi dangereux car si ils sont pris, ils seront également torturés.
3 – le cercle de complicité passive : ceux qui voient, qui savent, mais ne dénoncent pas.
Un élève : Alors le barbier, il est dans le groupe 2 ?
Une élève : Oui, et les fermiers dans le groupe 1, parce qu’on voit qu’ils cachent souvent des Anglais.
Un élève : Qu’est ce qu’on risque dans le groupe 3 ?
Guillaume Piketty : Pas grand-chose, sauf qu’à la fin de la guerre, les Allemands et la milice risquent de se venger tout en épargnant ceux qui ont dénoncé. Pour terminer, je voudrais ajouter que ce film est l’un des meilleurs films traitant de la résistance, parce qu’il montre des gens « normaux » qui mènent une double vie, qui prennent des risques, qui improvisent et qui pour un grand nombre (à peu près 40%) ont été arrêtés.