
Intervenants :
Robert Bober est né en 1931 à Berlin de parents juifs polonais. Il est un réalisateur internationalement reconnu de nombreux documentaires, dont Récits d’Ellis Island avec Georges Perec (1979) et Vienne avant la nuit (2017) (qui a donné lieu à la publication d’un livre aux éditions P.O.L) pour n’en citer que deux. Robert Bober est également l’auteur de plusieurs livres importants, notamment Quoi de neuf sur la guerre ? (Prix du Livre Inter en 1994), Berg et Beck (1999) et Par instants, la vie n’est pas sûre (2020, éditions P.O.L)
Hélène Eisenmann, ancien médecin hospitalier, témoin
Les deux séances : devant la forte demande des professeurs sollicités, nous avons dû organiser 2 séances : une le matin, l’autre l’après-midi. C’est ainsi que 117 élèves accompagnés de leurs professeurs sont venus à 9h30 assister à la projection du film, puis 120 autres élèves pour le même film à 14h30.
Ce film a été choisi en raison du thème du Concours National de la Résistance et de la Déportation 2023 : «L’école entre 1940 et 1945».
Les élèves venus le matin sont inscrits pour ce concours national de la Résistance ; les élèves de l’après-midi ne participent pas à ce concours, mais ils travaillent tout au long de l’année sur le thème du « devoir de mémoire ».
Les projections se sont déroulées au Musée de la Résistance national de Champigny-sur-Marne, musée avec lequel Mémoire 2000 a établi depuis cette année scolaire un partenariat dont nous nous félicitons.
En préambule de la discussion, une photo de classe a été projetée sur l’écran: elle représente des jeunes filles du lycée Molière en juin1942

Une seule élève arborait l’étoile jaune, (dont le port était obligatoire pour les juifs de plus de 6 ans à partir de juin 1942), cette jeune fille est la sœur d’Hélène Eisenmann, intervenant en qualité de témoin et membre de longue date de Mémoire 2000.
La projection du film « Une enfance sous l’occupation » de Sergio L. Mondelo fut suivie d’une conversation entre Robert Bober, Hélène Eisenmann et les élèves.
Voici quelques-unes des questions des élèves :
–Pourquoi cette étoile ?
-Etait-ce obligatoire ?
-Quelles conséquences si on ne la portait pas ?
-Aviez-vous peur d’une dénonciation ?
Robert Bober prend alors la parole pour dire qu’en fait « on n’avait pas vraiment le choix, les juifs étaient tenus de porter l’étoile », pendant la guerre, il y avait toujours des choix difficiles. Il raconte ensuite les difficultés pour son père d’exercer son métier dès 1940, puisqu’il fut contraint d’afficher sur la vitrine de sa boutique : « magasin juif ». Il a d’ailleurs perdu la plupart de ses copains, influencés par leurs parents, après qu’ils ont vu l’affiche !
À la question d’un élève sur les interdictions faites aux juifs, Hélène Eisenmann rappelle qu’il y avait beaucoup d’interdits : il fallait prendre le dernier wagon dans le métro, les piscines étaient interdites aux juifs, les parcs et jardins publics étaient « Interdit aux juifs et aux chiens » (pancarte à l’entrée de ces lieux).
Question d’un élève : Quels sentiments aviez-vous en portant l’étoile jaune ?
Hélène Eisenmann : Pendant toute ma vie professionnelle, je n’y pensais pas, je voulais passer à autre chose. J’y pense tristement maintenant, et de plus en plus, en vieillissant.
Question d’un élève : Avez-vous de la peine à raconter ces histoires de guerre ?
Robert Bober : Non actuellement, ce qui me fait le plus de peine, c’est de rencontrer tous ces enfants sans référence parentale, comment grandir seuls, fonder une famille, comment dire à leurs propres enfants qu’ils n’auront jamais de grands-parents ?
Question d’un élève : Mais quelles sont les raisons de ce massacre des juifs ?
Robert Bober : L’antisémitisme est une longue histoire. Cette haine des juifs a débouché sur l’organisation hitlérienne, sans précédent, de ce massacre et la disparition totale d’un peuple. Il y avait de la propagande antisémite et des discours de haine, des caricatures de « mauvais juif », des expositions pour reconnaître un juif. Il y avait aussi des primes de dénonciation… Le monde avait besoin d’un bouc-émissaire, et les juifs ont été ces boucs émissaires.
Question d’un élève : Aviez-vous peur ?
Robert Bober : À partir du moment où on demandait aux enfants de changer de nom, de se cacher, on avait évidemment conscience que le danger était extrême. Mais jamais nous n’aurions imaginé l’horreur qui se préparait !
Hélène Eisenmann ajoute : Il ne faudrait pas oublier tout de même que la France a compté parmi ses citoyens de nombreux « Justes » qui ont caché, aidé les juifs.
Question d’un élève : Comment fait-on pour se reconstruire après tant de souffrance ?
Robert Bober : Il n’y a pas de méthode, on improvise beaucoup ! Mais ce sont des événements très graves qu’il ne faut pas oublier. Nous avons le devoir de transmettre aux jeunes générations. Et nous comptons sur vous pour être nos relais vivants !
La fin de cette rencontre a été saluée par des applaudissements nourris de l’assistance.