Editorial de Juillet 2021: Faille démocratique

“Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie, mais son évolution par temps de crise.”

Bertolt Brecht

Au lendemain du second tour des élections régionales, la cassure profonde entre les citoyens et le vote est alarmante, l’abstention a atteint un niveau record : plus de 65% des électeurs, un écart de 20 points avec les régionales de 2015. Les gagnants de cette élection sont les sortants largement reconduits dans toutes les régions. Mais cette apparente stabilité des élus régionaux cache un profond séisme quand deux électeurs sur trois n’ont pas voté. 

Les perdants sont le parti présidentiel et le parti de Marine le Pen qui n’obtient aucune région, pas même la PACA où Thierry Mariani était en tête après le premier tour. Le front républicain a tenu. Le duel Macron / Le Pen n’est pas l’enjeu des élections régionales. Il semble aussi que la stratégie de normalisation du RN est décevante pour ses électeurs. Mais entendre, au lendemain des élections, Marine Le Pen et Louis Aliot, maire RN de Perpignan alerter sur le danger pour la démocratie n’est pas rassurant. 

La désaffection des urnes n’est pas nouvelle, elle progresse et devient spectaculaire lors d’élections régionales dont les enjeux sont peu lisibles. Il n’y a pas de message politique clair dont l’électeur peut se saisir. Le remodelage des grandes régions a contribué à éloigner les citoyens des élus. Et les mécaniques de retrait, fusion, alliance ou maintien coûte que coûte, entre les deux tours, ont confirmé le sentiment des électeurs réticents d’un entre soi des politiques qui ne s’intéressent pas aux “vraies gens”. 

Le résultat semble confirmer le désenchantement démocratique : “ça ne changera jamais, ce n’est pas la peine d’aller voter”. Le paradoxe étant que la démobilisation des électeurs fait le jeu des sortants et confirme le diagnostic désenchanté. Le déterminant principal de la non-participation est lié à l’âge. Les jeunes ne se sentent pas impliqués dans les enjeux politiques. Leur scepticisme devant le processus démocratique est manifeste. 80% de l’électorat populaire s’est aussi abstenu. 

Contrairement à ce que l’on craignait entre les deux tours, les mécontents ne se sont pas précipités vers les extrêmes. Mais est-ce bon signe ? Aujourd’hui la démocratie des urnes semble perdre du terrain par rapport à l’expression libre sur les réseaux sociaux où la brutalisation des échanges est inquiétante. Le succès de CNews, chaine d’information la plus regardée, est parlant. Il repose non sur la qualité des reportages mais sur des débats qui génèrent de l’audience par des clashs répétés sur des sujets clivants. Sous la bannière de la liberté d’expression, la chaine de Vincent Bolloré se nourrit de la défiance envers les médias et transforme les débats en rings où l’on va terrasser son adversaire par l’outrance.  

Réenchanter les urnes et la démocratie, c’est un projet ambitieux, une urgence même, mais comment ?

De notre côté, modestement, nous reprenons le cours de notre activité l’an prochain. Il y a un an, tout était incertain et menacé par l’urgence sanitaire. Les cinémas ont rouvert leurs portes. Le nôtre nous accueille de nouveau. Le jeune public pourra retrouver l’émotion devant les films et un débat qui ne se nourrit pas d’invectives. 

Jacinthe Hirsch

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