Le jeune poète soudanais Abdel Wahab Mohamed Youssef, connu sous le nom de Latinos, s’est noyé avec d’autres il y a quelques semaines au large de la Libye dans le naufrage du bateau pneumatique qui les transportait vers l’Europe.
Né dans une famille pauvre de Manwashi au sud du Darfour, Latinos avait réussi à entrer à l’université de Khartoum où il obtint un diplôme d’économie. Apprécié de la jeune génération au Soudan, il publiait en ligne de nombreux poèmes. Sa fin tragique a provoqué une onde de choc au Soudan, amplifiée de la prise de conscience que sa mort suivait exactement un scénario décrit dans des vers récents :
Je fuirai un pays qui jour et nuit me brûle le dos à coups de fouet
Je fuirai une femme qui ne sait pas nourrir mon âme du nectar de son corps
Je fuirai tout
Je fuirai indifférent au néant
….
Tu mourras en mer
Où les vagues cognent fort ta tête
Où l’eau balance ton corps
Comme une barque percée
….
Dans la fleur de l’âge
Sans même avoir trente ans
Il n’est pas mauvais de partir tôt
Le mal c’est de mourir seul
Sans femme
Qui te dise : Viens à moi, mon étreinte t’accueille
Laisse-moi laver ton âme de la lèpre de la misère
Voici son ultime poème publié :
Tu vas à la mort
Aujourd’hui, demain
Ou même après-demain
Personne ne peut stopper la roue de la ruine
Qui charrie le corps de la vie
En vain, rien, aucun salut ne vient
Dans les derniers instants
Sauver le cadavre du monde
En vain, aucune lumière ne brille
Pour effrayer la nuit
En vain, tout est mort
Temps, langue
Cris, rêve
Chants, amour, musique
En vain, tout a disparu
Ne restent que
Vide hurlant, sauvage
Cadavres, tombés dans un silence lugubre
Ruines, généreusement déversées