Journal d’octobre 2019 : Un rêve? Le Paradis ?

Rémy Ourdan, journaliste, correspondant de guerre au journal Le Monde, a publié du 11 au 16 août 2019, une “reportage” en six volets intitulé “Sarajevo-Jérusalem”.

Ce reportage qui fait un parallèle entre deux villes, Sarajevo et Jérusalem, est un petit bijou qui nous rappelle ce que nous savions, mais que nous avons vite fait d’oublier.

S’agissant de Sarajevo, elle a toujours eu la réputation d’une ville particulièrement accueillante ; elle est le symbole d’une cohabitation “multiethnique”. Accueillante, elle l’a été pour les juifs, ce qui lui a valu le surnom de “petite Jérusalem”. On y trouve rassemblés, des juifs venus s’installer là après l’Inquisition, et des non juifs, majoritairement musulmans qui vivent dans une harmonie et une amitié extraordinaires et naturelles.

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Enluminure de la Haggadah de Sarajevo, rédigée à Barcelone vers 1350

Cette ville a l’habitude des envahisseurs. Son passé “ottoman puis austro-hongrois a façonné son identité si particulière entre Orient et Occident”. C’est une ville provinciale à majorité musulmane, mais également chrétienne et “très juive”. Les religions s’y côtoient tranquillement et la vraie religion qui s’y pratique avec ferveur, est la douceur de la coexistence et surtout ce que les Sarajeviens appellent “komsiluk”, le voisinage. Rien ne peut surpasser la relation aux voisins, ni la religion, ni la nation, ni la communauté. A Sarajevo on se soucie avant tout de sa famille et de ses voisins, dans le respect des traditions et religions de chaque communauté.

Cette valeur cardinale a permis, durant la guerre, à des juifs de Sarajevo d’échapper aux nazis, car cachés et protégés par des “voisins” musulmans qui les ont accueillis et les ont inclus à leurs propres familles.

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Derviš Korkut (1888-1969), humaniste et orientaliste musulman qui sauva la Haggadah juive de Sarajevo

C’est grâce au “voisinage” que le fameux et inestimable manuscrit du 14e siècle connu sous le nom de “Haggadah de Sarajevo”, convoité par les nazis en 1942, a pu échapper à la destruction. Ce sauvetage on le doit au courage du bibliothécaire du musée de Sarajevo, Dervis Korkut, homme cultivé aimant l’histoire et les traditions, qui a caché ce livre au péril de sa vie.

Cette Haggadah une fois encore a été sauvée en 1992, alors que Sarajevo est bombardée par l’armée serbe et que le musée est en première ligne. Cette fois, Enver Imamovic, archéologue et historien, accompagné de Hamo Karkelja, conservateur de musée, arrivent après maintes péripéties à mettre l’ouvrage en sécurité dans un coffre de la Banque centrale, l’endroit le plus sûr de la ville.

C’est toujours cet état d’esprit qui a dicté à la communauté juive pendant la guerre de Bosnie, de lancer une “incroyable opération humanitaire organisant l’évacuation de 2500 Sarajeviens et portant assistance aux assiégés.” Ainsi, de nombreux “juifs sarajeviens”, en réalité surtout des musulmans ou des chrétiens, ont pu trouver refuge en Israël. A Sarajevo, on a une façon très particulière de pratiquer la religion : sans fanatisme, ni sectarisme.

Ces dernières années, il y eut certes, quelques graffitis antisémites sur des tombes juives, mais il y a été vite mis bon ordre.

Depuis tant de temps, et tant de guerres, Sarajevo a su conserver cette “paix ethnique” et son caractère universaliste.

Il semble que cette “grâce” propre à cette ville ne soit ni exportable, ni partageable : on peut le déplorer.

Imaginons un instant que toutes les villes puissent fonctionner comme Sarajevo… Ce serait un rêve, ou …le paradis!!!

Lison Benzaquen

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