
Tian’anmen, un effacement. Le 4 juin 1989, le massacre de la place Tiananmen met fin au mouvement étudiant après sept semaines de manifestations pacifiques et d’appels à la démocratie. Deng Xiaoping a déclaré la loi martiale et fait appel à l’Armée populaire de libération pour écraser dans le sang ce mouvement qui prenait de l’ampleur. Le 4 juin 2019, 30 ans après, la place Tiananmen est étroitement surveillée afin d’effacer tout souvenir du massacre qui a fait 2600 morts, selon la Croix Rouge. Évoquer cette sanglante répression est interdit. Le parti glorifie les progrès accomplis en trente ans, chacun doit partager cette fierté. L’amnésie collective est organisée par le pouvoir. Pas une ligne dans les manuels d’Histoire, pas un mot sur les réseaux sociaux. Le 4 juin 1989 n’est qu’un incident qui a “vacciné la société chinoise contre toute agitation politique majeure” selon l’éditorialiste du Global Times, quotidien officiel.

6 juin 2019, célébration du D Day, le cœur n’y est pas. Le 75ème anniversaire du débarquement du 6 juin 1944 a un goût amer. Les alliés de 1944 ne le sont plus. La Grande Bretagne représentée par Theresa May est sur le point de quitter l’Union Européenne, née au lendemain de la seconde guerre mondiale. Mais surtout, Donald Trump, isolationniste et hostile envers l’Europe assiste à cette commémoration. Sa politique unilatéraliste et ses déclarations sont en totale opposition avec l’esprit de l’alliance transatlantique. Quel est le sens de ces commémorations en présence d’un Président américain ouvertement raciste, nationaliste et accroché àson slogan “America first” ? Des mots résonnent, le Président français lit la déchirante lettre d’adieu d’un jeune résistant de 16 ans, Henri Fertet, mort pour la France Libre. Combien aujourd’hui, nous semblent loin les idéaux qui portaient l’armée de libération le 6 juin 1944.

Instruits du passé, vivre le présent, Christ Church. Le 15 mars dernier, un terroriste australien, diffusant la vidéo de ses actes en direct, pénètre dans deux mosquées et abat 51 fidèles à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Le pays se mobilise, toutes religions et origines confondues, en soutien à la communauté musulmane. Jacinda Ardern, la Première ministre, se présente voilée et étreint les familles des victimes. Aux collégiens du quartier de Cashmere où se sont installés les premiers musulmans au XIX° siècle, elle vient dire sa compassion et son projet: “Construire un environnement dans lequel la violence ne peut pas s’épanouir, où nous ne laissons aucune place au racisme, car le racisme nourrit l’extrémisme. Faisons de la Nouvelle-Zélande un lieu qui ne tolère pas le racisme, en aucun cas”. Au président Trump qui propose son aide, elle suggère “d’envoyer de la compassion et de l’amour à l’égard des musulmans.” La Première ministre refuse de citer le nom du tueur pour ne pas lui offrir la notoriété qu’il recherchait. Elle envoie un message d’inclusion à ce pays qui compte 200 ethnies et répond ainsi au message de haine du terroriste. Cette figure de solidarité et de tolérance est réconfortante.
Jacinthe Hirsch