Mustang
Séance du 13 novembre 2018
Thème : L’injustice faite aux femmes
Débattrice : Soad Baba-Aïssa
Salve d’applaudissements à l’issue de cette superbe projection dans une salle quasiment remplie : 169 élèves présents, qui ont regardé, écouté le film dans un silence religieux.
La première question a permis de lancer le débat, c’est Mustapha qui avait trois interrogations essentielles au sujet du thème du film.
“Parle-t-on de la liberté de la femme ou du mariage ? A mon avis, une femme doit rester dans “le juste milieu”, elle ne doit pas avoir une liberté complète, c’est un joyau, un diamant que personne ne doit toucher, sinon elle ne sera plus respectée”…
– Réaction immédiate d’une jeune fille : Qu’appelles-tu “liberté complète” ? Tu dis “la femme est un objet précieux”, c’est très misogyne ce que tu affirmes, c’est inacceptable !
– Au Pakistan, qui est un pays libre, les femmes peuvent exiger d’épouser un homme qui connait parfaitement le Coran…Oussama demande, à propos du film : “qui est visé, les filles ou la religion ? dans le film, à la télé, on entend l’Imam… “
– Non, répond enfin Madame Baba-Aïssa, ce n’est pas l’Imam qui parle, mais c’est un discours d’Erdogan qui prétend que les femmes ne doivent pas rire en public, bien se tenir etc… la Turquie est devenue très conservatrice, nombre de parents considèrent que les filles de la famille, au nom de la virginité, peuvent être tuées, ce qu’on appelle “crime d’honneur”. Dans ce film, il n’est pas question de religion mais de traditions. Ceci dit, souvent, les religions sont utilisées pour satisfaire les mariages arrangés. On compte encore 200 000 femmes dans le Monde qui sont victimes de violences.
– Une médiatrice de collège prend la parole pour entériner ce qui vient de se dire. Elle a, dit-elle, rencontré de nombreuses jeunes filles qui ont été renvoyées dans leur pays d’origine, les familles se servant alors de leur religion pour justifier ces violences. En France, on dénombre encore 70 000 femmes qui ne sont pas à l’abri d’un mariage forcé. En un été, leur vie peut basculer, le travail des associations permet à certaines de pouvoir échapper à ces mariages arrangés (on leur demande de faire des copies de leurs papiers d’identité et de les laisser en France par exemple), mais le retour est souvent compliqué.
– Un jeune homme : “mais pourquoi la vie des cinq sœurs bascule-t-elle subitement ?”
– Précisément, parce qu’elles ont joué avec des garçons à la plage, on considère que leur honneur est perdu.
Puis les discussions se sont enflammées à propos de la virginité “a-t-on le droit de demander un certificat de virginité en France ? Parfois l’hymen n’est pas rompu pendant le premier rapport.
– Attention, on ne juge pas les femmes sur le fait qu’elles soient vierges ou non ; en effet, les médecins ne devraient pas se soumettre aux demandes de certificats de virginité. Mais n’oubliez pas les luttes de vos ancêtres, les conquêtes pour la contraception, la reconnaissance de la femme en tant qu’être humain tout simplement, le droit de vote (1944), le droit de posséder un carnet de chèques (1965) sans l’autorisation d’un homme majeur (père, mari, frère…)
Grâce à ces luttes, nous sommes des femmes libres et émancipées, il n’y a pas d’hommes supérieurs aux autres, mais juste l’égalité entre hommes et femmes.
Un jeune évoque la difficulté d’aider éventuellement une fille qui risque de ne pas accepter parce qu’il est garçon, celui-ci évoque également les débats “grammaticaux” (féminisation de certains mots) qui ne devraient pas avoir lieu. La cause féministe est plus noble et plus profonde et certaines féministes extrémistes en donnent une mauvaise image.
– Oui, mais n’oubliez pas que les femmes ont dû combattre pour faire avancer la société, n’arrêtons pas ce combat qui doit profiter à tous, femmes comme hommes ; au nom de l’égalité, le droit des hommes avance également : exemple le droit au congé paternité, droit de réversion de pension aux hommes veufs etc…

À la question “pourquoi les femmes ne se défendent-elles pas mieux ? “, Soad Baba-Aïssa répond très justement que la société et les lois ont été fondées par et pour les hommes. Napoléon 1er avait déclaré et fait inscrire dans le Code Civil en 1804, que les femmes étaient des êtres mineurs. Le travail des féministes a été considérable pour lutter, faire changer les lois et faire respecter l’égalité hommes/femmes, malgré une éducation encore très sexiste.
Enfin, un élève demande “pourquoi Mustang” ?
– Un mustang est un cheval libre qui affronte tous les dangers pour garder sa liberté. Dans le scénario, la petite fille a la même fougue pour libérer ses sœurs pour la liberté.
Et la dernière scène du film est magnifique car les deux sœurs, arrivées à Istanbul, se réfugient chez leur ancienne professeure en se jetant dans ses bras.
Le réalisateur montre dans cette dernière image à quel point l’éducation est fondamentale dans tous les coins du monde et, encore une fois combien le travail des professeurs est indispensable et superbe. J’en profite pour remercier particulièrement celles et ceux qui ont eu le courage d’emmener leurs élèves aujourd’hui pour leur permettre de mieux réfléchir à cette égalité des sexes qui nous est chère.
Merci également à Madame Baba-Aïssa qui a su laisser les élèves s’exprimer en toute liberté mais aussi, faire rebondir les idées reçues avec beaucoup de tact et de talent.
Bravo à elle.
Joëlle Saunière