Séance du 15 mai 2018
Thème : La fragilité de la démocratie
Débattrice : Leslie Kaplan
La projection du film magistral de Peter Brook a été regardée dans un silence que l’on sentait passionné malgré les images en noir et blanc et les sous-titres qui souvent rebutent. Après un bombardement, lors de la 2nde guerre mondiale, on découvre, sur une île déserte, un groupe d’enfants anglais rescapés d’un accident d’avion. Ils tentent de survivre, et de s’organiser. Deux chefs potentiels s’opposent, et à travers eux, deux types de société.
Ralph, le premier, est élu de façon tout à fait démocratique mais Jack, chef de chœur devenu chef des chasseurs, s’impose progressivement par la force, la peur et l’excitation meurtrière. Son groupe, débarqué sur l’ile en entonnant le “kyrie eleison”, s’enflamme à la découverte de ce qu’il prend pour une bête terrifiante. Alors que Ralph persiste à veiller sur le feu pour alerter les secours, Jack organise la chasse, aux cris de ”kill the pig “ et transforme la ”Bête” en divinité à qui il offre une tête de cochon, bientôt couverte de mouches. L’angoisse et la violence montent face à cette inquiétante Majesté.
Un troisième personnage, Piggy, est le plus vulnérable du groupe avec son embonpoint, son asthme, ses lunettes et ce surnom humiliant. Il porte la conque qui donne droit à la prise de parole, veille sur le feu qui alertera les grandes personnes et explique : “Les fantômes, la bête, ça n’existe pas, sinon il n’y aurait pas de sens. Les grandes personnes n’ont pas peur. Elles savent qu’il n’y a pas de fantômes, elles discuteraient autour d’une tasse de thé et tout s’arrangerait.” Mais sa sagesse fragile sera balayée par les forces régressives.
Lorsque Leslie Kaplan, notre débattrice, pose la première question : “Pourquoi est-ce que ça tourne mal ?” les réponses ne manquent pas. “L’instinct de survie prend le dessus sur l’humanité des enfants. Au début il y a des règles, après, il n’y en a plus.” Leslie Kaplan observe : “Est-ce simplement de la survie ?” Un lycéen : “La peur, aussi, qui ne fait qu’amplifier la violence”. Leslie Kaplan insiste : “Sont-ils obligés d’en arriver à tuer ?” Une proposition : “Ils sont terrifiés, ils deviennent égoïstes, chacun pense à soi.” Complétée par : “Leur instinct de survie leur fait suivre celui qui parait le plus fort.” Un autre lycéen : “Ils deviennent fous avec la superstition”. Leslie Kaplan souligne la compétition entre Jack et Ralph et les élèves comparent ces deux types d’autorité, celle qui domine par la peur et celle qui autorise le débat et le doute dans le respect des règles.
Un collégien demande : “Mais quel est le message du film ?”. Une collégienne : “Ce film est une allégorie de la 2nde guerre mondiale, Jack et ses chasseurs représentent Hitler et les nazis tandis que Ralph et Piggy seraient les démocraties occidentales qui s’opposent à Hitler”. Une autre évoque Staline. Une troisième se désole de la montée du FN en France mais pense que ce genre de film devrait permettre d’y réfléchir pour réagir à temps. Un lycéen souligne encore comment Jack et son groupe prennent le pouvoir en rabaissant les plus vulnérables.
Comme on le voit, ce film, par la puissance de son thème, par la force du scénario et par la qualité exceptionnelle des jeunes acteurs, a suscité chez nos élèves des réflexions nourries et de grande qualité pour lesquelles il faut féliciter leurs professeurs.
Leslie Kaplan, notre débattrice, a su, avec finesse, faire comprendre aux élèves, l’importance et la fragilité des démocraties.
Jacinthe Hirsch, Hélène Eisenmann