Accusé en France d’agressions sexuelles et de viols par Henda Ayari et “Christelle” (pseudonyme), et en Suisse d’abus sexuels par plusieurs anciennes de ses élèves, mineures à l’époque des faits, Tariq Ramadan a récusé les accusations, dénonçant une “campagne de calomnie” et engagé des avocats pour le défendre. Suspendu de son enseignement à l’université d’Oxford, le célèbre islamologue controversé, petit-fils du fondateur des Frères musulmans, observe depuis lors le silence. Rappelons que les plaignantes se sont exprimées en pleine affaire Weinstein et pendant la campagne #BalanceTonPorc sur les réseaux sociaux.
Pour ce qui est de la culpabilité de Tariq Ramadan, la justice tranchera et l’accusé a droit à la présomption d’innocence comme tout citoyen.
Ce qui interroge en revanche les citoyennes et citoyens que nous sommes est le déferlement des thèses complotistes, paranoïaques et antisémites, et des attaques contre les personnes des plaignantes sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête.
Nombre des défenseurs de Tariq Ramadan voient dans leurs accusations un complot des « sionistes » ou « des juifs ». L’Union française des consommateurs musulmans a ainsi posté une Tribune de Yamin Makri, porte-parole du Collectif des musulmans de France, intitulé “Tariq Ramadan face au sionisme international”, article largement repris. Il y évoque les problèmes mentaux supposés de Henda Ayari, l’origine juive et supposée pro-sioniste de son avocat, la ”manipulation” des jeunes issus de l’immigration maghrébine et africaine à l’encontre de la communauté musulmane, et affirme que le “site en ligne prosioniste Europe-Israël recevra 5 % de commission sur les ventes de l’ouvrage de Henda Ayari” (il s’agit en fait du partenariat entre le géant Amazon et les sites de vente en ligne qui reçoivent une commission de 5% pour tous les livres vendus)…
Pas un mot, évidemment, sur les nombreux soutiens, y compris financiers (l’association Juste cause, créée à Roubaix en 2002 pour soutenir financièrement Tariq Ramadan, a été réactivé pour une levée de fond) dont bénéficie Tariq Ramadan, sans commune mesure avec ceux des deux femmes qui l’accusent de les avoir violées.
Tout aussi grave et choquant sont les déferlements de haine, souvent antisémite, voir d’appels au viol ou au meurtre, qui se sont répandus sur la toile sous couvert de l’anonymat que permet Internet. #Jesuisuneputesioniste résume sur le Facebook d’Henda Ayari un courageux anonyme…
Face à ces dérives d’une brutalité et d’une violence inacceptable, l’application du droit et de la justice sont plus que jamais le bouclier de notre démocratie.
Espérons que notre pays et l’Union Européenne vont contraindre les géants numériques américains à communiquer à la justice les adresses IP de ceux qui répandent la haine et doivent être poursuivis en justice, comme l’a récemment demandé le premier Ministre après les menaces de mort contre Charlie Hebdo. Et gageons que la justice, malgré les difficultés matérielles et financières qu’elle connaît, fera son travail dans l’affaire Tariq Ramadan et pacifiera le corps social.
Rose Lallier