Séance du 19 décembre 2017
Thème : la grande pauvreté
Débatteur : Martin Hirsch
Emotion ce matin : pour des raisons techniques, le film prévu “Hiver 54”, qui traitait de la Grande Pauvreté et de l’Abbé Pierre, n’a pu être projeté.
Par bonheur, nous avons pu projeter le film actuellement à l’affiche dans la salle, “Lucky”, qui traitait de vieillesse, pauvreté, solidarité et dignité. Excellent film, très apprécié par notre jeune public.
Et puis est arrivé notre débatteur, Martin Hirsch, engagé auprès des communautés d’Emmaüs de 1995 à 2002 puis président d’Emmaüs jusqu’en 2007. Actuellement Directeur Général de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris. Il a été le créateur du RSA ainsi que d’un rapport pour lutter contre la pauvreté.
Il présente quelques moments clés de la vie de l’Abbé Pierre : tout d’abord la rencontre sur un pont de l’Abbé et de Georges, un malheureux, qui veut se jeter à l’eau. Au lieu de lui dire : “je vais t’aider”, l’Abbé Pierre lui dit : “ne te suicide pas car j’ai besoin de toi”. Il ne se présente pas comme supérieur aux pauvres, venant faire la charité mais dans l’idée que l’on s’entraide tous.
Puis, toujours ulcéré par la passivité des responsables du gouvernement, l’Abbé Pierre s’installe devant l’assemblée et mendie avec son béret devant lui. Deux clochards viennent le voir et lui disent que ce n’est pas ce qu’il faut faire, qu’il faut donner aux pauvres un métier et les clochards lui apprennent la ”biffe”, la récupération, le recyclage. C’est ainsi que démarreront les premières communautés Emmaüs.
Plus tard, fin janvier 1954, une mère complètement démunie.se suicide à Paris, son enfant dans les bras. Horrifié, l’Abbé Pierre, le 1er Février, s’adresse alors aux Français sur RTL : “Ça suffit, cette tragédie est intolérable, nous sommes un pays riche, il faut absolument que chacun d’entre nous offre quelque chose pour venir en aide à tous ces malheureux”.
Des millions de Français offrent alors de l’argent, des vivres, des couvertures, de vieux objets. Le mouvement est lancé : on entrepose tout cela dans des locaux, dans des gares, et même dans un hôtel de luxe ainsi que dans des baignoires pleines de billets ! Un gigantesque mouvement de générosité et de solidarité est né, et le gouvernement va débloquer des milliards pour construire des logements, des HLM…
Il a donc suffi d’un personnage tout seul, “un peu génial et un peu fou”, pour déclencher tout cela.
Plus tard, c’est Coluche qui fera un appel-radio pour que naissent “Les Restos du Cœur”.
Si bien que, par bonheur, la pauvreté n’a plus le même visage qu’il y a 50 ans : il existe des systèmes de mise à l’abri, les personnes âgées ont toutes une retraite, tout le monde bénéficie de l’assurance-maladie.
Martin Hirsch fait un exposé dense et brillant, très apprécié par notre jeune public, qui lui pose tout de même quelques (rares) questions, et l’une d’elles retient particulièrement son attention : “Qu’est-ce que le service civique ?”
– C’est, nous dit l’orateur, la possibilité, pour des jeunes, de s’engager pendant quelque temps au service des autres, pour aider, cela avec une petite rétribution. Au cours de ce service, on les familiarise avec les divers métiers rencontrés.
Au total, un film très sensible et très apprécié, un débatteur de très haut niveau, et un jeune public curieux et admiratif, qui sans doute sera d’accord pour penser que chacun d’entre nous a les moyens de soulager un peu la misère du monde.
Guy Zerhat