A la suite de notre séance de cinéma du 14 mars dernier, avec le film “Le Havre”, des élèves d’un collège de Thiais qui se sont montrés très intéressés, nous ont adressé de nombreuses réflexions.
Nous avons également eu connaissance d’un poème écit par un jeune migrant en hommage à un de ses amis qui, comme lui, parti seul pour fuir la guerre, n’a pas eu de chance et est mort en mer.
Nous vous livrons ici cet émouvant poème et quelques uns des messages des jeunes spectateurs.
Hélène : “je suis un peu déçue car je m’attendais à un film avec plus d’action, de l’aventure. Je l’ai trouvé trop lent et idéal c’était trop parfait pour être vrai. Mais j’ai trouvé que c’était quand même un beau film. Un des passages qui m’a le plus marqué est celui où le commissaire ne dénonce pas Idrissa dans le bateau en direction de Londres. C’est comme si le commissaire Monet avait changé de caractère et on voit qu’il a un bon fond. Ce commissaire ressemble beaucoup à Javert dans Les misérables. J’ai beaucoup apprécié le dialogue entre Idrissa et Arletty c’était le moment de leur rencontre. Ils étaient comme deux âmes qui se battent identiquement mais pas contre la même chose.”
Arthur : “ils parlent comme s’ils sont au théâtre, une façon un peu vieillotte avec des expressions comme bien naturellement.
Mon personnage préféré est Idrissa. J’ai beaucoup aimé le débat, surtout le poème car il était très émouvant. Et il y avait des personnes qui avaient vécu ça dans la salle et qui ont réussi à le dire.
Le personnage qui m’a le plus marqué est Marcel Marx car malgré le fait qu’il ne gagne presque rien, il va aider Idrissa à s’en sortir et aller jusqu’à Londres. Un peu à la manière de Jean Valjean, lui ancien clochard et Jean Valjean ancien bagnard. La vie leur a donné une chance et ils essaient de faire le bien autour d’eux. J’ai bien aimé ce film car on voit une certaine solidarité entre les habitants du Havre quand Idrissa s’échappe, tout le monde l’aide : Le pêcheur L’épicier et le commissaire. Je l’ai bien aimé même s’il n’était pas très réaliste.”
Max: ”le jeu des acteurs était spécial, tout était spécial : le décor années 70, les gros plans parfois vides. Le commissaire Monnet ressemble beaucoup à l’inspecteur Javert, il n’aime pas les gens il veut toujours parvenir à ses fins mais Monet a de l’empathie comme Javert. Pendant les débats la débattrice était très émotive. Surtout quand elle a lu le poème écrit par l’un des réfugiés de 15 ans. Ça m’a beaucoup marqué. Tous les sujets abordés étaient bien, ce qui est dommage, c’est que les personnages du film étaient parfaits, j’ai même eu un sentiment de malaise.”
Bélinda : ”j’ai plutôt bien aimé ce film car l’histoire est cohérente, mais sûrement trop irréaliste. La femme de Marcel qui guérit subitement de sa maladie, le commissaire qui laisse partir Idrissa à Londres… Le message de l’auteur était touchant malgré l’irréalisme de l’histoire, il désirait nous mettre à la place d’Idrissa le garçon immigré ou bien celle de Marcel, l’homme hébergeant illégalement un immigré. L’auteur voulait sûrement nous faire comprendre que la vie d’un mineur immigré n’est pas facile et que les gens n’éprouvent pas toujours de la compassion et de la gentillesse envers eux.”
Amine : ”les musiques, véhicules, maisons et tous les autres décors sont vraiment anciens et moi tout ce qui est ancien ne me plaît pas vraiment. Il y a un passage qui m’a plu c’est quand le commissaire découvre Idrissa dans la trappe du bateau et dit à ses alliés qu’il y a rien et qu’il avait déjà fouillé l’endroit. Ça montre qu’il voulait sauver ce petit garçon.”
N.B. Les prénoms ont été modifiés
Poème écrit par un jeune migrant en hommage à un de ses amis qui, fuyant la guerre, est mort en mer.
« Pardonne-moi maman.
Pardonne-moi d’être parti sans te prévenir
Pardonne-moi de ne pas t’avoir embrassée.
Pardonne-moi d’avoir été trop subtil et d’être parti comme un voleur, car je fuyais la terreur et c’est l’erreur qui m’a surpris.
Aujourd’hui assise sur une natte, au fond de la cour, sur le sable où je jouais, larmes aux yeux je sais que tu penses à moi qui suis ton fils unique, maman.
Tu diras à nos voisines “Mon fils est parti loin d’ici, loin de toutes les hostilités”.
Il aura la vie sauve.
Il aura un avenir meilleur.
Et me reviendra avec un grand sourire.
Ce sera le sourire de la victoire. Ce sera le sourire de la liberté.
Mais non, maman, ce serait une erreur de ta part, car à présent je ne suis qu’un fantôme qui vit dans l‘eau.
Oui j’ai péri maman.
J’ai péri au plus profond de nulle part et mon cœur s’est éteint dans l’immense bleue.
Mon corps n’est plus rien qu’un simple appât, qui dans l’eau nourrira ses poissons.
Adieu maman.
Adieu mes rêves.
Moi qui croyais revoir un jour ton sourire, réentendre ta voix qui m’appelait toujours dans la cuisine.
Mais hélas maman, la mer m’a surpris.
Non, je ne saurais nager, car je n’ai connu que le désert.
Aujourd’hui j’ai péri comme autant d’autres que moi.
Adieu maman.
Adieu mes rêves.
Je ne connaîtrai pas de victoire.
Je ne connaîtrai pas de liberté.
Je ne reviendrai plus jamais.
Et tu ne t’en rendras compte qu’avec les tant d’années qui couleront.
Tu diras à nos voisines “Mon fils est parti depuis très longtemps et je n’ai plus de ses nouvelles”.
Ton cœur te dira, mon fils a peut-être péri.
Cette fois-ci tu auras raison maman.
Ah oui maman, ton fils n’a pas su nager et a péri comme tant d’autres que lui.
Tu le sauras dans longtemps mais tu ne l’avoueras à personne.
Tu pleureras toutes tes nuits.
Tu pleureras tous tes jours.
Tu croiras enfin ton cœur, qui avait toujours raison.
Et ta vie ne sera que tristesse.
Adieu ma pauvre maman.
Moi qui n’ai pas eu le temps de comprendre que le destin, ce n’est pas l’homme qui le choisit, mais plutôt la vie qui le lui offre.
Car ma liberté m’a coûté plus cher que ma vie.
Je n’ai rien eu d’autre à donner que mon âme.
Adieu maman, adieu mes rêves, adieu ma pauvre vie. »
Mohamed Nour Wana, Mineur soudanais arrivé seul à Paris.