Journal de Juillet 2017 : Robert Badinter témoigne

Bernard Jouanneau avait une passion assez forte en lui pour inspirer l’essentiel de sa vie et de son action : la Justice, celle qui se joue dans les Palais, dans cette diversité de procès qui rend la vie judiciaire si passionnante – ou si décevante. Mais pour Bernard Jouanneau, sa passion, celle de la défense des justes causes, était l’engagement de toute sa vie. Il était avocat et ce métier était pour lui le plus beau des états. Il en aimait tous les aspects. L’écoute du client, l’analyse des faits, la préparation du dossier, autant de moments qu’il vivait avec bonheur. Et bien sûr l’audience avec ses rites et ses rythmes, l’audience toujours recommencée et si souvent imprévisible.

Capture d_écran 2017-06-19 à 14.10.33Bernard et moi nous connaissions depuis l’hiver de 1966, où nous fondâmes, avec Jean-Denis Bredin, le cabinet qui portait nos noms. Tous ceux qui ont eu le privilège d’y travailler en ont gardé un souvenir heureux, car l’amitié y régnait en maîtresse. S’il était interdit d’ennuyer les autres avec ses dossiers, il était recommandé d’en rire. Nous vécûmes là, Bernard et moi, quinze années de bonheur professionnel partagé. Et je vis Bernard se transformer et devenir l’un des meilleurs spécialistes du droit de la presse, un virtuose du droit d’auteur reconnu par tous.

Mais Bernard Jouanneau ne pouvait se contenter des grandeurs et servitudes de la vie judiciaire. Il lui fallait aussi trouver dans la Cité de grandes causes à soutenir. Il devint ainsi un des champions de la lutte contre toutes les formes de racisme, et notamment de la lutte contre l’antisémitisme. Passionné d’histoire, soucieux de préserver la Mémoire contre tous les faussaires et les menteurs, Bernard joua un rôle considérable dans les poursuites et la condamnation des révisionnistes. Toujours ardent, précis et éloquent, Bernard Jouanneau remporta bien des victoires. C’est aussi à lui que nous devons bien des progrès du droit dans ce domaine si chargé de passions. Qu’il me soit permis d’ajouter que j’ai toujours vu Bernard du bon côté de ces combats, jusqu’à son dernier jour.

Aujourd’hui, il nous a quittés mais son souvenir demeure vivant en nous dans notre panthéon personnel comme un compagnon de lutte et un homme de toutes les justes causes. Au revoir, cher Bernard. Et merci d’avoir partagé avec nous ces moments incomparables. Je ne t’oublierai pas, mon ami.

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