Journal de Juillet 2017 : Adieu Bernard … et merci

Le 13 juin, Mémoire 2000 a tenu sa première réunion du conseil sans Bernard. Cela fut très difficile. Mais nous avons trouvé le courage en pensant à ce que Bernard aurait souhaité : que l’action de Mémoire 2000 continue, coûte que coûte. Ne pas baisser les bras. 

Nous voici donc “orphelins” mais déterminés à poursuivre nos actions avec autant d’énergie que possible. Bernard depuis près de 30 ans, nous a tracé une voie que, fidèlement, nous continuerons à suivre.

Il nous fallait un nouveau président : nous avons une Présidente en la personne de Jacinthe Hirsch qui a eu la gentillesse d’accepter de prendre le relai par intérim avant l’Assemblée Générale de décembre. Nous l’en remercions très vivement.

Mais comment laisser partir Bernard sans lui adresser une dernière pensée? C’est ce que chaque membre du conseil de Mémoire 2000, actuel ou ancien, a tenu à faire.

 

Capture d_écran 2017-06-15 à 09.06.06Claudine Hanau : Bernard, tu avais un grand sens de la justice, de la tolérance, de la liberté. Tu nous as montré le chemin. Tu nous manques.

 

Hélène Eisenmann: Bernard Jouanneau n’est plus. Il nous a quittés sans crier gare.

Et pourtant, lors de la dernière réunion de Mémoire 2000, il était là comme à l’accoutumé, bien vivant, fourmillant d’idées nouvelles, prêt à nous secouer pour en faire toujours plus.

Depuis sa retraite, il consacrait l’essentiel de son temps à Mémoire 2000 qu’il avait créée et présidée depuis 27 ans.

Il n’avait lâché aucune des grandes causes qui lui tenaient à cœur : le statut des rescapés d’Auschwitz arrêtés hors de France, la reconnaissance du génocide arménien par la France, la loi Gayssot qu’il voulait amender pour étendre sa portée à tous les génocides, la famine au Darfour, le génocide au Rwanda, la situation des Roms en France.

Quasiment tous les jours, il notait et commentait l’actualité, relevait toute atteinte aux Droits de l’Homme, ou plutôt aux Droits de la Personne Humaine, comme il souhaitait faire reconnaître cette formulation, pour lui, capitale.

Grace au blog de Mémoire 2000 on peut retrouver ses éditoriaux et ses chroniques si engagées, si vivantes.

Aujourd’hui le conseil d’administration de Mémoire 2000 s’est réuni. Il y a eu beaucoup de tristesse et de nostalgie.

Et même ses célèbres colères vont nous manquer.

 

Dany et Victor Dibo-Cohen : Faute de pouvoir rappeler les plaidoiries et la lutte incessante de Bernard contre le racisme, le négationnisme et les génocides car la liste est très longue … nous nous souvenons .

Nous nous souvenons du brillant exposé sur l’affaire Faurisson au B’nai B’rith à Saint Maur suivi d’une standing ovation,

Nous nous souvenons du Prix des Droits de l’Homme du BBF qui lui avait été remis,

Nous nous souvenons aussi du Colloque sur les génocides à la Mairie du III° ouvert par Bernard… D’autres souvenirs aussi en tant que Mémoire 2000. Nous avons eu la chance de rencontrer un homme rare.

Ce grand vide nous laisse un peu désemparés mais nous continuerons sur le chemin qu’ il nous a tracé !

 

Guy Zerhat : Il m’avait dit un jour : “J’ai le sentiment qu’avec toi, je ne perds jamais mon temps”. Et il me l’a répété récemment, presque dans les mêmes termes. Autant dire que, venant d’un personnage de cette dimension, j’ai pris cela pour un compliment. Car j’admirais le personnage, au point de négliger ses emportements. C’était incontestablement un grand Monsieur, que l’injustice révoltait, qui abhorrait le racisme et ne supportait pas l’antisémitisme. Toute sa vie, et jusqu’à son dernier souffle, il aura lutté avec toute son énergie contre ces trois fléaux de notre temps. Il nous sera bien difficile de marcher sur ses traces, mais nous tenterons d’être dignes de la lumière qu’il nous a transmise. Car transmettre la Mémoire a toujours été pour lui un devoir. A nous de poursuivre son œuvre.

 

Nitsa Lew : Aux Obsèques de Bernard, ce matin, il y avait foule, jusqu’aux derniers sièges de l’Eglise St Paul – St Louis, au moins 1.000 personnes pour lui dire un dernier adieu. Et j’ai vu, les gens pleurer jusqu’aux derniers rangs. Il y avait de quoi, en effet. Un HOMME, un Homme Bien, est parti.

Il a combattu, avec force, générosité, talent, audace, ingéniosité, persévérance tous les racismes et l’antisémitisme persistant. Il était têtu : il ne lâchait pas la lutte.

Et du temps où je participais à Mémoire 2000, il réclamait de nous beaucoup de militantisme, de présence et autant de témoignages devant les enfants qu’il était possible d’en donner. Il avait raison. Les lettres des professeurs et des élèves de cette époque le prouvent.

La Mémoire des Peuples, de tous les Peuples lui tenait à cœur. Il avait à ce sujet autant d’ouverture qu’il avait de cœur.

Il a bien mérité notre admiration et notre amour. On ne l’oubliera jamais. Qu’il dorme en Paix.

 

Joëlle Saunière : Une force, des convictions jamais sacrifiées aux diktats des courants de pensée ambiants; un homme d’exception, Bernard, tu vas tellement me manquer ! Jamais tu ne baissais les bras devant nos projets les plus fous. Ta quête de l’absolu, du “Vrai”, du Juste face aux discriminations en général et plus particulièrement celles rencontrées par les ROMS au quotidien.

Les nombreuses visites que nous faisions ensemble dans les lycées pour motiver les jeunes à cette injustice, rappel des exterminations tziganes pendant la 2ème guerre mondiale devant les yeux médusés des élèves…Rien ne t’arrêtait, toujours prêt à réitérer, renouveler la parole juste.

Je regrette déjà tes “coups de gueule” saisissants, mais qui avaient le mérite d’ébranler nos certitudes. Nous continuerons le combat, nous te le devons bien. Tu es toujours là cher Bernard.

 

manif96

Jacinthe Hirsch : Notre président n’est plus.

Les membres de Mémoire 2000 sont bouleversés par sa disparition soudaine.

Hier, il bataillait avec sa fougue habituelle pour dénoncer les atteintes aux droits humains.

Hier, il s’indignait de la libération de la parole de haine dans le discours politique.

Hier il prévenait du danger de la recrudescence de l’antisémitisme en milieu scolaire et sur internet.

Hier, il alertait l’opinion sur l’apparition d’actes et de manifestations anti-asiatiques inconnues auparavant.

Hier il dénonçait le recul de l’intervention de la justice internationale à travers la contestation de la CPI.

Hier il mettait en garde contre la place de plus en plus grande prise par la radicalisation et le terrorisme islamiste.

Et toujours, il luttait avec conviction pour la reconnaissance des génocides et notamment du génocide arménien.

Il aurait été heureux d’apprendre que le négationniste Robert Faurisson a été débouté par le TGI de Paris de son attaque en diffamation contre le journal Le Monde et la journaliste Ariane Chemin. Le 6 juin, jour de son décès.

Bernard Jouanneau voulait se dresser contre les “malheurs du monde”. Il menait son combat dans les prétoires et avec grande conviction au sein de Mémoire 2000. A côté de lui, chacun semblait manquer de fougue. Il était toujours prêt à lancer de nouvelles initiatives et de nouvelles pistes de réflexion à destination de la jeunesse, des enseignants et chefs d’établissements.

Mémoire 2000 demeure et poursuit son action auprès des jeunes citoyens. Soyons dignes du courage engagé de Bernard Jouanneau et des membres fondateurs.

 

Lison Benzaquen : Et voilà, l’inimaginable est arrivé…

Bernard nous a quittés le 6 juin, sans crier gare. Le jour même  nous apprenions le sort fait à Faurisson par le tribunal de grande instance de Paris. Il aurait tant aimé…

Mais il est parti sans même nous donner le temps de nous “préparer” à son éventuel départ. C’est bien lui ça ! Surprendre, étonner, laisser sans voix…

La veille encore de son hospitalisation et même de l’hôpital nous échangions des mails pour mettre au point la prochaine réunion du bureau qui devait se tenir chez lui quelques jours après.

Des idées, il en avait plein la tête. Sur la brèche jusqu’au dernier moment, toujours foisonnant de propositions, enthousiaste…

Il devait vraiment être très fatigué pour lâcher prise si brutalement. Nous le savions fragile, mais pas à ce point. Il faut dire qu’il donnait bien le change. S’il souffrait, il n’en laissait rien paraître, ne disait rien. Digne, toujours. Mais peut-être que cela nous arrangeait aussi de ne pas voir. Nous le voulions invulnérable…

Bernard, était un vrai leader. Brillant, le regard bleu perçant, éloquent, convaincant, exigeant. Une idée à la seconde… pas toujours réalisable, parfois utopique, mais toujours généreuse.

Des projets, il en avait toujours de nouveaux et était impatient de les voir réalisés … Nous, nous essayions de suivre, pas forcément à son rythme, ce qui l’irritait parfois…Il était difficile de se hisser à sa hauteur. Mais c’est grâce à son impulsion, à son dévouement indéfectible à la cause des droits de l’homme, à son inoxydable militantisme que nous avons pu réaliser de belles et utiles actions.

Infatigable, impétueux, passionné, Bernard était tout cela et plus encore quand il s’agissait de défendre la dignité humaine à laquelle il était tant attaché.

Pour Mémoire 2000, il sera remplacé, mais restera irremplaçable. Nous allons, fidèles à ses engagements et à son exemple, poursuivre dans la voie qu’il a durant tant d’années, tracée.

Ce sera difficile sans lui, mais nous lui devons bien cela…

 

Patrick Grocq : Bernard, de mon cheminement auprès de toi, je me souviens de la première fois où je t’ai vu plaidant au palais de justice de Paris. C’est à la Licra plus tard que je t’ai retrouvé lors des congrès annuels avant de te suivre à la fédération de Paris jusqu’à la démission collective de l’équipe et la création de Mémoire 2000 suite à l’affaire L’Oréal.

Je me souviens de nos réunions dans le jardin de ton domicile de la rue des Francs-Bourgeois pour l’écriture des statuts, de notre assemblée générale constitutive en juin 1992 et de l’émission sur TF1 autour de la rafle des 16 et 17 juillet 1942 avec ces lycéens qui, choisis et préparés, allèrent débattre autour d’Anne Sinclair avec des adultes après la diffusion du film de Michel Mitrani “Les guichets du Louvre“.

Cette implication avec les lycéens et collégiens nous l’avons recommencée en mai 1996 avec le Tribunal de la Bonne Conscience concernant la guerre civile et la purification ethnique en ex-Yougoslavie et le génocide des Tutsi du Rwanda. Comme à la Fédération de Paris de la Licra, Bernard en plus de ton rôle de président, tu portais la voix de l’association dans les prétoires où tu cédais la place à Mathilde Jouanneau ou à Serge Tavitian qui te remplace. Tout au long de la partie de ta vie pendant laquelle je t’ai côtoyé c’est ton engagement pour la Dignité Humaine que je garde en mémoire. Contre les indifférences, contre les négationnistes, pour la justice des oubliés, des faibles, des victimes et de leurs descendants, pour rendre justice aux exclus, pour que les jeunes sensibilisés aux droits et aux devoirs des droits à la Dignité de la personne Humaine s’engagent et reprennent le flambeau.

Je t’imagine invectivant ton interlocuteur d’une de tes colères que nous avons connues lors de certaines de nos réunions mensuelles… Je garde en mémoire nos échanges pendant ces quatre mois où nous avons travaillé ensemble, puis lors de nos escapes hebdomadaires dans les musées à parcourir les expositions. Bernard tu me manques, tu nous manques, nous continuerons autrement sans toi, mais avec toi.

 

Maurice Benzaquen : Bernard, je t’ai rencontré il y a près de 30 ans quand j’ai intégré la Licra où tu animais la Fédération de Paris. Je ne t’ai plus quitté depuis et n’ai cessé à aucun moment d’admirer ton esprit de synthèse et tes capacités à convaincre. J’ai suivi nombre de procès où tu plaidais magistralement contre des négateurs et insulteurs de l’Histoire, les Faurisson, Le Pen, Soral et consorts, assisté aux conférences pour la perpétuelle défense des droits de l’homme, participé aux innombrables débats où tu excellais, et ai toujours été transporté par ta fougue, ta ténacité et la pertinence de tes positions. Tu as créé Mémoire 2000 et nous t’avons suivi pour te seconder et participer à ce que nous considérions avec toi comme l’essentiel, comme l’origine de tout, l’ouverture aux jeunes dans le combat contre toutes les exclusions et les atteintes à la dignité de la personne humaine, et avons été emportés par ton pouvoir de persuasion. Nous avons touché avec toi et Mémoire 2000 des milliers d’écoliers qui s’en souviendront dans leur vie d’adulte. Nous n’abandonnerons pas ceux d’aujourd’hui surtout en cette période où s’annoncent les périls, et continuerons vigoureusement sans toi ce qui nous a réunis.

Pour ma part, je peux dire que j’ai passé une bonne partie de ma vie à côté de cet homme et de sa vision de l’humanité et cela m’a singulièrement enrichi. Absent à son décès, je regrette infiniment de n’avoir pu l’accompagner à ses obsèques.

 

Rose Lallier : Bernard Jouanneau nous a quittés et son intelligence fulgurante, son engagement sans faille pour les droits de la personne humaine, ses combats contre toutes les formes d’injustice, et tout particulièrement contre le racisme et l’antisémitisme, nous manquent immensément.

Bernard était un homme d’un très grand courage, toujours généreux de son temps et de sa personne, qui ne se ménageait jamais malgré la fatigue qui parfois pointait, mais que sa grande pudeur toujours taisait. Sa ténacité – songeons à sa contribution en faveur des lois mémorielles, en particulier la loi Gayssot et à son combat jusqu’à ses derniers jours pour son extension à la pénalisation de la négation du génocide des Arméniens et du génocide des Tutsi du Rwanda – forçait l’admiration.

Son goût du débat, nourri par ses vastes lectures, une capacité de travail exceptionnelle et son esprit de contradiction, le faisait parfois échanger quatre ou cinq mails en moins d’une heure sur un point de raisonnement, une précision, une nuance…

Son verbe enfin, porté par sa belle voix, était inspiré par un esprit analytique mais aussi de synthèse exceptionnel, et par un rejet viscéral des atteintes portées à la dignité de la personne. Bernard agissait avec l’injonction de Primo Levi, “N’oubliez pas que cela fut”, gravée au cœur…

Nous poursuivrons son combat au sein de Mémoire 2000, guidés par son exemple et son esprit.

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