
Le quatre décembre, Alexandre Van der Bellen a remporté l’élection présidentielle avec un taux de participation en hausse (74,2 %) et une avance dix fois plus élevée (348 231 voix) sur le candidat d’extrême-droite que lors du scrutin du 22 mai dernier annulé par la justice. Cette victoire incontestable a été saluée avec soulagement dans toute l’Europe.
L’ancien professeur d’université, européen convaincu, libéral et pragmatique, a su faire barrage à la progression des idées xénophobes et nationalistes de Norbert Hofer. Après le Brexit et l’élection de Donald Trump, le candidat Vert à l’allure austère et peu charismatique a bénéficié de l’engagement d’un grand nombre de bénévoles et du soutien d’une grande partie du monde politique, artistique, intellectuel, de droite et de gauche. Van der Bellen a aussi durci son programme sur les questions de sécurité (“tolérance zéro”) et du droit d’asile (contre les migrants économiques), tout en mettant en avant les valeurs traditionnelles de l’Autriche pendant sa campagne.
A l’époque des médias sociaux, une vidéo postée sur la page Facebook de Van der Bellen et visionnée plusieurs millions de fois, a très vraisemblablement influencé cette élection : celle de Gertrude (qui n’a pas souhaité préciser son patronyme), 89 ans, ancienne déportée juive viennoise qui a perdu toute sa famille à Auschwitz. Dans son témoignage, sobre et puissant, la vieille dame a dénoncé le FPÖ, fondé par d’anciens nazis, qui “tente de faire remonter à la surface ce que le peuple a de plus bas, comme cela a déjà eu lieu par le passé (…) c’est cette haine qu’on essaie de faire sortir de nouveau chez les gens. Et cela fait mal. Et de cela j’ai peur.” Gertrude évoque aussi le slogan du FPÖ, “Que Dieu me vienne en aide”, déjà utilisé par les nazis dans les années 1930, et qui “n’a pas grand-chose à voir avec la religion” et la “fausseté” que lui inspire la figure de Norbert Hofer, un homme jeune et souriant, rompu aux techniques de communication…
Mais cette victoire du candidat modéré, pour satisfaisante qu’elle soit, ne doit pas faire oublier l’essentiel, l’urgence et la nécessité de sortir l’Europe de sa profonde crise sociale et économique qui fait partout le lit de l’extrême droite. Bien qu’à un niveau enviable (6,3%), le taux de chômage autrichien a augmenté de deux points ces dernières années, et le nombre de salariés employés à taux partiel a considérablement augmenté (29% en 2016, contre 21,3% en 2005). Cette précarité et cette insécurité croissantes produisent comme ailleurs un malaise profond dans la population.
Tout aussi graves sont les effets de la crise financière de 2008 : le revenu moyen annuel a reculé depuis 2009 et se situait en 2015 sous le niveau de 2006 (cf Romaric Gaudin, La Tribune, 30.11.2016)…
Les dirigeants nationaux et européens portent aujourd’hui une responsabilité historique : s’ils ne trouvent pas de réponses justes et fédératrices à la crise, gageons que l’élection de Van der Bellen ne sera qu’un répit provisoire.
Rose Lallier