Il fallait s’y attendre : la LDH proteste contre la délégation de la municipalité de Nice qui a financé en partie le déplacement des élus à Rome pour la rencontre qui a eu lieu le 24 septembre avec le Pape François et ce au nom du principe de laïcité en soutenant (on espère avec ironie) que “Christian Estrosi s’autorise à bafouer sans vergogne le principe de laïcité …Les victimes étant de toutes confessions, doit-on s’attendre bientôt à financer un pèlerinage à Jérusalem, à la Mecque ou à Bénarès? “Quant à la conseillère municipale EELV (Europe Ecologie Les Verts) dont on préfère oublier le nom, elle s’insurge contre cette initiative en disant : “exclure les autres confessions de ce type de consolation officielle relève de la muflerie et même de la provocation”. On n’est jamais mieux servi que par soi-même lorsqu’il s’agit de dénoncer le comportement qu’on aurait soi-même si l’on était placé dans la même situation.
Foin de polémique politique.
Il faut savoir raison garder.
Chacun s’accorde pour reconnaître que le pape François s’est penché sur le problème des réfugiés sans tenir compte de leur religion. Le fait qu’il ait tenu à recueillir au Vatican une famille musulmane parmi les migrants de Lesbos le lui a déjà été reproché par ceux qui soutenaient les chrétiens d’Orient victimes en première ligne des offensives terroristes de DAECH. Au demeurant ce voyage qui se voulait rassembleur comptait parmi les invités “des croyants de toutes confessions” et des “non croyants”.
Dans son discours le pape a renouvelé ses appels au dialogue entre tous, particulièrement entre chrétiens et musulmans en souhaitant “l’établissement d’un dialogue sincère et des relations fraternelles entre tous, en particulier entre ceux qui confessent un Dieu unique et miséricordieux.”
La sollicitude qu’il a tenu à manifester aux victimes des attentats et en particulier à celles de Nice n’est pas une atteinte à la laïcité ou alors à la plus détestable qui soit.
La laïcité telle que nous la rappelle Guy Zerhat dans ce numéro du journal, n’est pas une laïcité étriquée mais celle qui cherche l’instauration “d’un FRONT LAIQUE OUVERT ET INTELLIGENT”, celle qui “interdit de faire passer sa foi avant les valeurs collectives”, “celle qui a ses exigences”, mais elle a aussi ses limites, toujours les mêmes, celles de l’humanité.
Pourquoi contester à ce pape le rôle qu’il tient dans cet univers qui ne se préoccupe que de ses intérêts et de ses principes ? Il est en ce moment celui qui nous rappelle les exigences de l’humanité, “en se mêlant à la foule des victimes et de leurs familles en deuil pour les saluer, les étreindre et parfois les réconforter de quelques mots” (cf. Le Figaro du 25 sept).
On ne peut mieux le comprendre et l’approuver lorsqu’on apprend que le 16 juillet Christian Estrosi a reçu un coup de fil sur son portable : “Est-ce que vous êtes monsieur Estrosi?” entend-il avec cet accent et ce timbre de voix si reconnaissables. “Je suis le pape François”.
Le saint père lui avait alors demandé de “porter auprès de tous sa prière, ses pensées, sa douleur et son soutien” : une marque d’humanité qu’il avait d’ailleurs publiquement exprimée au lendemain de l’attentat.
Bernard Jouanneau