Il y a 10 ans déjà, Ilan Halimi était horriblement assassiné parce que juif. Cet “anniversaire” sinistre, a été célébré avec solennité et émotion par les membres du

gouvernement. A cette occasion, on a – enfin – reconnu que ce crime n’était pas, comme à l’a dit à l’époque, “un fait divers”, mais bien un acte antisémite et que l’antisémitisme a, depuis ces dernières années, beaucoup prospéré en France. Il était temps.
Pendant dix ans les juifs se sont sentis bien seuls. C’est long dix ans !
Mais voilà déjà près d’une vingtaine d’années, que des voix se sont élevées pour dénoncer et mettre en garde contre un antisémitisme croissant dans notre pays. Ces voix ont été, la plupart du temps, étouffées, ridiculisées, voire ostracisées, et il a fallu beaucoup d’énergie, de constance et de victimes pour qu’enfin l’on reconnaisse la véracité du phénomène. Pour quelles raisons? Simplement parce qu’on a eu affaire à un “nouvel” antisémitisme qui n’était plus seulement paré des oripeaux de l’extrême droite, mais affichait un autre visage : celui de l’islamisme radical et de l’antisionisme. Je ne vais pas refaire l’histoire, mais rappelons-nous comment, en 2014, une manifestation de soutien au peuple palestinien, s’est métamorphosée en manifestation antijuive avec des slogans comme “mort aux juifs” sans que le moindre frisson d’horreur ne vienne parcourir le pays. Et pendant ce temps œuvraient dans l’ombre, auprès des jeunes, les islamistes radicaux, embrigadant, sans être le moins du monde inquiétés, des enfants “issus de l’immigration” et en quête d’une identité que la France, maladroite à leur endroit, n’a pas su leur donner.

La dangerosité de cette radicalisation a été largement sous-estimée et entourée d’une grande pudeur de langage de la part des autorités, des médias, certains intellectuels et plus largement, de la population. C’est cette “pudeur” qui a empêché de nommer le mal de crainte de “stigmatiser” une catégorie de Français, alors que c’est tout le contraire qu’il aurait fallu faire : dénoncer fermement les radicaux islamistes dangereux, afin de les distinguer de la majorité des musulmans de France qui ne demandent rien d’autre que d’être des citoyens comme les autres. Sans compter que ce genre d’attitude ne fait que renforcer le Front National. Après Ilan Halimi, il y a eu d’autres signaux graves: Toulouse, Bruxelles, Paris… A chaque fois, après l’indignation et l’émotion de rigueur, rien, ou presque, n’a été mis en œuvre contre ces attaques désormais étiquetées antisémites. Comme si dans l’inconscient collectif, tuer des juifs faisait partie du cours normal des choses. Dans une société, l’antisémitisme est toujours un mauvais symptôme et le négliger est une erreur pernicieuse.
C’est quand on a réalisé, après les massacres du 13 novembre 2015 qui ont coûté la vie à 130 personnes, que des Français de “toutes catégories” et pas seulement des juifs, pouvaient être tués, comme ça, gratuitement par les terroristes, que les consciences se sont éveillées et la mesure du danger prise. Désormais, on nomme mieux les choses, on reconnait l’antisémitisme là où il se manifeste, on en parle, on tente de comprendre, le ton a changé, les esprits se sont mobilisés…
Mais, à en croire le poète, romancier et dramaturge Karim Hakouch : L’Occident est en train de perdre sa guerre contre l’islamisme. Sans courage et lucidité, il perdra aussi son âme. Espérons qu’il se trompe et qu’il n’est pas déjà trop tard.
Lison Benzaquen
P.S: Je veux aussi rendre hommage, ici, à Daniel Pearl, égorgé il y a exactement 14 ans le 1° février 2002, par El Qaeda, parce que juif…