Il fallait, après leur mort voir leurs visages, leurs regards et leurs sourires. Dans les quotidiens qui en ont tenu le mémorial ou sur le grand écran des Invalides, ils reflétaient une inébranlable confiance dans la vie.
Quentin, Thomas, Ludovic, Djamila, Véronique, Mathieu, Cécile et Luis, Marion et Raphaël, Cédric, Valeris et Armelle et les 117 autres, sont morts le vendredi 13 novembre au Bataclan, au Petit Cambodge, à La bonne bière, ou à La Belle Equipe, victimes de la barbarie et du terrorisme. Ils avaient tous la trentaine, parfois moins, “Ils étaient pétillants souriants ou incroyablement doux, jeunes urbains des soirées parisiennes “, ils et elles incarnaient la France de demain en même temps qu’une part de l’humanité attachée à nos libertés que les tueurs abhorrent et veulent éliminer. Il est à craindre que d’autres, appartenant au même groupe de personnes, les suivent et connaissent le même sort.
Mais cette étrange “guerre” qui n’en a que le nom, n’est pas perdue d’avance, sauf par notre adversaire qui usurpe le nom d’Etat en se proclamant État Islamique . En regardant leur visage, en scrutant les regards des survivants, en entendant partout, d’un bout à l’autre de la planète entonner le « Marseillaise », en constatant la réaction universelle des quatre coins de la terre, aux couleurs Bleu, Blanc, Rouge de Paris à Rio, de Londres au stade Wembley à New-York, à l’ONU, en passant par Sidney et Pékin, Daesh devrait comprendre qu’il a déjà perdu ce combat contre l’Humanité, contre une génération et contre la jeunesse.
La froide détermination et la silencieuse réprobation qui se lisent à l’écran sur les visages des visiteurs de la place de la République venus témoigner de leur compassion à la lumière des bougies, valent plus qu’une victoire sur le champ de bataille.
Comme les autres, avec les autres, Mémoire 2000 appelle tous les citoyens déjà mobilisés à l’Unité. « Face à un drame inédit d’une telle ampleur, nous devons plus que jamais nous concentrer sur cet appel à l’unité, à la solidarité et à la fraternité. Nous sommes unis autour des familles des victimes, autour des survivants et autour de tous les témoins en France et dans le monde contre la folie meurtrière motivée par une idéologie mortifère et inhumaine « . Notre présence en milieu scolaire est plus que jamais nécessaire et opportune. C’est à cette génération là que nous devons transmettre le message de l’indispensable mobilisation de chacun quel que soit son âge, sa condition, sa place dans la hiérarchie ou dans la société, son origine, sa religion ou ses traditions familiales, au service des droits de l’homme si ouvertement méconnus et outragés ainsi que dans la lutte contre l’intolérance, le fanatisme et l’obscurantisme qui se parent outrageusement d’une religion qu’ils « blasphèment » en entraînant malgré eux les vrais musulmans qui s’en défendent.
A notre place et aux côtés des enseignants qui sont en première ligne, nous devons sans cesse à leurs côtés “RÉSISTER“ et tenir bon, revenir aux valeurs fondamentales de la République, qui doivent devenir le bagage indispensable de cette génération qui arrive et qui devra demain prendre le relai et assumer les responsabilités auxquelles nous aurions manqué.
Le choix que nous avons fait en 1992, lors de la création de Mémoire 2000 de nous concentrer sur la pédagogie et la promotion des droits de l’homme en milieu scolaire, pouvait à l’époque, paraître superflu dans la mesure où ces droits reconnus nous semblaient inébranlables et suffisamment installés et enseignés. Force est de reconnaître qu’ils ne le sont plus et que des forces incontrôlables et insurmontables en l’état s’y attaquent méthodiquement, mettant ainsi en œuvre un plan concerté de destruction, dans un climat de crise économique non maîtrisée et de progression constante du chômage des jeunes, en faisant régner la terreur et la division et en démultipliant aux quatre coins de la planète les agressions, les attentats et les opérations kamikaze, de telle sorte que plus personne ne puisse se sentir en sécurité. Profitant de ce climat, un certain parti dont on pouvait espérer qu’il régresserait en présence de la solidarité renaissante dont la France a fait preuve dans les jours qui ont suivi les attentats de novembre à Paris, exploite honteusement la peur et le réflexe de repli sur soi. La montée inexorable de l’intolérance, le refus de l’étranger et la méfiance entretenue envers les Musulmans qui sont tout autant français que nous, la fermeture sur notre espace clos par des frontières restaurées devraient nous alerter, nous mobiliser et nous amener à REAGIR et à CONTINUER. Ce n’est donc pas le moment de se replier sur l’acquis en refusant de se tourner vers les autres et notamment vers les autres victimes de crimes contre l’humanité, de s’installer de façon durable dans un régime d’exception aux règles démocratiques ou de se rallier aux mesures extrêmes du genre de la déchéance de la nationalité, dangereuse et inefficace, qu’on nous annonce. Il est grand temps de se ressaisir, de résister et de continuer.
Bernard Jouanneau