On sait bien maintenant que ça ne va pas se régler rapidement ni facilement, que ça va durer et que les élections qui approchent vont polluer le débat sur la question. Ainsi va le monde et la démocratie.
Les sondages vont probablement se multiplier, tant ils finissent eux-mêmes par être utilisés par les uns et par les autres, les uns contre les autres, dans tous les sens. Mais l’essentiel est tout de même que le mouvement soit lancé et qu’il ne puisse plus faire marche arrière. Le cimetière marin de la Méditerranée, les tombes des migrants qui sont morts en essayant de franchir le tunnel sous la Manche, les camions en Autriche, les barbelés en Hongrie, la photo d’Aylan, ont réveillé les consciences et remué les politiques. Ils ne parviennent pas encore à s’entendre, mais ils se parlent et la fermeture provisoire des frontières de l’Allemagne n’est pas un repli et ne fait pas disparaître le sursaut qui s’est produit. Il ne faut sans doute pas se faire d’illusions, nous, irons ainsi d’ouvertures et d’accueils en fermetures et rejets successifs et concomitants dans toute l’étendue de l’Europe. Il n’y aura sans doute pas d’Aube nouvelle, mais il y aura des vies sauvées et des persécutions épargnées. La dignité fera son chemin et finira par se faire entendre et respecter. Ce n’est sans doute pas un hasard si, lors de la manifestation spontanée et improvisée du 5 septembre, on a vu sur la place de la République des pancartes “Dignité” ou/et “Humanité” et des T-Shirts “Dignité-Internationale” http://www.Digniteinternational.org. Ce n’est pas pour prendre le train en marche que Robert Badinter qui invitait la France à “créer 20000 places pour les demandeurs d’asile” le 10 septembre écrivait dans Le Monde “Il est indigne pour la France de laisser vivre ces personnes dans des campements insalubres” ni non plus si le même jour, les propos de Marine Le Pen qui accusait l’Allemagne de recruter des esclaves étaient jugés “indignes.” Décidément la dignité qui nous revient de toutes parts est en passe de devenir la référence et la règle d’or des valeurs républicaines auxquelles le président de la république se réfère en évoquant les conditions pour que “les réfugiés puissent être accueillis dignement”. L’émotion, la sympathie ni la crainte ne doivent guider ni dicter notre comportement. Elles peuvent l’influencer. Bien avant les lois et les codes, le respect du droit d’asile s’impose comme une exigence de dignité aussi bien pour les réfugiés que pour ceux qui les accueillent.
Bernard Jouanneau