On peut être bourré de talent, très populaire, avoir les cheveux longs et parfois la pensée courte.
C’est, semble-t-il, ce qui est arrivé récemment à Plantu.
Plantu, tout le monde connaît. Ses dessins sont toujours pertinents, ils frappent juste et en quelques traits résument une situation bien mieux qu’un long discours ou un long article. Plantu défend toujours les bonnes causes… Il a un grand cœur.
Alors, que s’est-il passé ces derniers temps ?
Lors d’un débat télévisé avec A. Finkielkraut sur le spectacle de Dieudonné et son interdiction, nous avons eu la surprise de voir Plantu prendre, au nom de la liberté d’expression, le parti de Dieudonné. Il n’a, semble-t-il, entendu Dieudonné ne proférer (il l’a dit) que des “critiques” ou des “satires” à l’égard de toutes les religions et est resté sourd aux propos franchement, indéniablement et volontairement antisémites du supposé humoriste. On ne peut pas faire l’affront à Plantu de penser qu’il ignore la distinction entre des plaisanteries antireligieuses et des déclarations antisémites. Si c’est le cas : c’est grave!!
Il n’a aussi cessé de seriner, comme gage de bonne foi de Dieudonné, que celui-ci s’est rendu à Auschwitz. Sachant ce que le “comique” dit des camps et des déportés, ne pas comprendre que cette visite n’est rien d’autre qu’une offense de plus et sûrement pas un hommage rendu aux victimes, c’est faire preuve d’une grande naïveté (ou mauvaise foi…).
Doit-on au nom de la sacro sainte liberté d’expression tolérer des discours incitant à la haine raciale et en soutenir leurs auteurs?
Plantu n’est sûrement pas antisémite, il semble cependant prisonnier d’une forme de progressisme effréné qui l’empêche de voir, dans certains cas, les choses pour ce qu’elles sont. Oui, dans certains cas seulement, car si l’on regarde le dernier dessin que nous avons publié dans notre journal N°79, Plantu y fait bien le distinguo entre “liberté d’expression” et “racisme”. Sinon, pourquoi dénoncer – à juste titre – les attaques racistes à l’encontre de Christiane Taubira, que certains voulaient faire passer pour d’innocentes plaisanteries ? La liberté d’expression ne s’appliquerait-elle qu’à l’antisémitisme?
Au cours du débat, Plantu s’est réclamé de Voltaire en brandissant sa main sur laquelle il avait écrit en rouge le nom du philosophe. Ce n’est pas une mauvaise référence et si Voltaire a dit : “je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire”, nous ne pouvons que souscrire à cette belle déclaration, à la condition cependant que ce qui est dit ne relève ni de la haine raciale, ni de l’incitation à la violence ou à la stigmatisation d’une catégorie de la population. Cela mènerait inexorablement à la loi de la jungle.
Alors, Plantu a-t-il dérapé ou sont-ce là ses convictions profondes ? Compte tenu de sa popularité et du poids que peuvent avoir ses paroles et ses dessins, il ne semble pas se rendre compte du signal pernicieux de sa présence aux côtés d’Alain Soral, ami et idéologue de Dieudonné.
Depuis de nombreuses années, nous avons eu la chance de pouvoir publier certains de ses dessins. Nous en avons été très fiers et très heureux. Mais désormais, franchement, nous n’aurons plus l’envie, même si nous en sommes tristes, de publier ses si beaux dessins…
Tant pis! Il y a des valeurs avec lesquelles on ne transige pas.
Mémoire 2000