2014 sera marquée par la perte de Madiba, par le centenaire du début de la guerre de 14 et par les élections municipales et européennes en France.
Tout a été dit sur la disparition attendue de Nelson Mandela, presque trop bien, tant on y était préparé. Les cérémonies qui ont ponctué son départ ont largement démontré la propension des peuples au consensus et aux déclarations de bonnes intentions et c’est tant mieux. On a regretté que ni la France ni l’Europe n’aient eu voix au chapître. Pour une fois, c’est un appel à la modestie qui devrait nous faire réfléchir. Pour avoir tant donné de leçons au monde, il n’est pas mauvais pour une fois que nous en recevions. Et c’est d’abord celle de ses épouses Winnie et Graca Machel assises côte à côte sur les travées du grand stade de Soweto qui m’a impressionné. C’est ensuite à deux rangées derrière celle de Frederik De Klerk qui avait si longtemps et sans scrupules installé et justifié l’apartheid, qui venait rendre un dernier hommage à sa victime, en compagnie duquel il a reçu en 1993 le prix Nobel de la paix. C’est enfin la poignée de main chaleureuse et impromptue du président Obama au président Raül Castro après 52 ans de silence et d’ignorance. Autant de signes transmis à la planète par le miracle de la télévision universelle qui valent mieux que tous les discours fussent-ils inspirés et prometteurs. Autant de “rencontres” qui témoignent de la dignité humaine.
Même si toute cette chaleur humaine qui contrastait avec la pluie doit retomber, celles et ceux qui auront assisté à ces miracles devront les conserver en mémoire. On se souviendra des funérailles de Mandela comme de l’assassinat de JF Kennedy ou de l’attaque des Twin towers ; sauf que cette fois-ci c’est du salut de l’humanité qu’il s’agit.
Un homme seul a réussi à imposer le respect de sa dignité mais aussi de celle des autres. L’impensable s’est produit par la volonté durable et le soutien de ses proches et de ceux aux côtés desquels il s’est engagé. Comme l’écrit B. Obamadans la préface des “conversations avec moi-même” de Nelson Mandela, (Point éditeurs) : il y a un être humain qui a choisi l’espoir plutôt que la peur, le progrès plutôt que les prisons du passé. Même s’il est devenu une légende il faut apprendre à la connaître pour mieux le respecter.
Mémoire 2000 consacrera cette année l’une de ses séances à la projection du film “Long walk to freedom” qui est sorti le 18 décembre dernier.
1914 qui ouvre le cycle des commémorations est aussi à l’échelle de la planète en raison de la mobilisation et de perturbation mondiale que la grande guerre a représenté pour le monde. Les sacrifices qu’elle a imposés à toutes les familles forcent l’admiration pour l’effort des nations engagées dans ce conflit meurtrier qui se sont séparées et privées des talents et des destins fauchés par la barbarie et la bêtise humaine. Mais on ne pourra pas s’en tenir au début des hostilités et pour ne pas s’égarer sur les traverses de la commémoration, il faudra sans doute retenir les leçons de la durée et du courage des combattants et des hommes politiques de ce temps qui ont marqué l “’histoire”, en espérant que les jeunes générations ne feront pas que l’apprendre pour la réciter et qu’ils retiendront la leçon de ceux qui ont vaincu la peur.
Mémoire 2000 tient à marquer l’événement et organisera cette année et /ou jusqu’en 2018, une visite sur des lieux de Mémoire. Elle rend d’ailleurs hommage dans ce numéro aux combattants d’alors.
Comment dans ce contexte 2014 pourrait-elle devenir, à la faveur des élections, l’année du repli et du recul à cause de la peur de l’autre, de l’étranger, de l’immigré qui sont suspectés et mêmes accusés de venir se refugier en France pour profiter de l’aide et des secours et de l’éducation que la République dispenserait trop généreusement ? La lutte contre le racisme qui demeure notre préoccupation majeure n’est pas un combat d’arrière garde, il est d’aujourd’hui.
Mémoire 2000 va s’engager cette année dans une mobilisation des esprits et des intelligences pour tenter d’apporter à la recherche en ce domaine une contribution originale et nouvelle.
Ce n’est pas en renonçant à parler des Roms et des Arméniens que nous nous ferons entendre, c’est en allant à leur rencontre.
Ce n’est pas en nous repliant sur nos préoccupations hexagonales qu’on se fera entendre. Que chacun s’occupe du mieux vivre au sein de sa commune sans considérer nécessairement que toutes les difficultés pour y parvenir proviennent des étrangers ou des immigrés. Faute de leur avoir à temps reconnu le droit de vote aux élections locales, il faudra décider pour eux. Espérons seulement que ce sera la dernière fois. Tous ceux qui sont préoccupés par la montée du Front National sont invités à nous rejoindre.
Sans transformer l’action de Mémoire 2000 en un combat politique nous veillerons à la préservation de nos valeurs qui procèdent des exigences du respect de la dignité de la personne humaine et nous le ferons savoir à tous ceux qui voudront bien venir nous écouter.
Bernard Jouanneau