
L’homme s’appelle Csanad Szegedi. Il y a un peu plus d’un an, il n’y avait pas plus antisémite que lui. En tant que chef de Jobbik, parti d’extrême droite et nationaliste hongrois, lié au néo- nazisme. Szegedi fut également l’un des fondateurs de la Garde hongroise néo-fasciste en 2007. Les membres de cette garde portaient des uniformes noirs, tout comme le Parti pro-nazi des Croix Fléchées, qui gouverna la Hongrie à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Enfin, il fut élu au parlement européen en 2009, se présentant à l’ouverture de la session revêtu de l’uniforme de la garde hongroise. Il vanta alors l’héritage glorieux des anciennes tribus magyares et dénonca le “dépeçage criminel” de la Grande Hongrie après la Première Guerre mondiale, lors du traité de Trianon. A ses yeux “une finance internationale” menaçait par ailleurs l’avenir économique de la Hongrie.
En juin 2012, il fit une découverte qui allait tout changer. Il apprit que sa grand-mère maternelle, Magdolna Klein, était juive et déportée d’Auschwitz. Donc, il était juif. Stupeur générale au parti. Mais pas vraiment pour Szegedi lui-même. En réalité il le savait depuis 2010, et avait semble-t-il tenté de payer pour que le secret ne soit pas divulgué. Au début, la révélation n’a pas eu beaucoup de conséquences. Le parti ne l’a pas exclu, voulant même le garder comme membre pour faire taire les accusations d’antisémitisme. Il n’a démissionné qu’en 2012, voulant “parler à sa grand-mère de son judaïsme”, qu’elle-même a caché.
Selon le journal allemand Welt am Sonntag, Magdolna s’est ouverte à son petit-fils, a parlé de sa vie et de la manière dont elle fut envoyée à Auschwitz, où sa famille a été anéantie.
“J’ai été choqué. Tout d’abord parce que j’ai réalisé que l’Holocauste a réellement eu lieu”, déclara Szegedi. Il en fut bouleversé, et cette conversation l’a décidé à pratiquer le judaïsme et visiter Auschwitz. Le rabbin Shlomo Koves l’a aidé à comprende sa nouvelle réligion. Non sans avoir hésité, car Szegedi fut tout de même l’un des leaders de Jobbik.
“J’étais assis en face d’une personne brisée qui avait compris ce qu’il avait fait et en était venu à une situation où il se disait qu’il devait changer, mais il ne savait pas comment”, explique le rabbin. Szegedi lui, s’est senti renaître, mange désormais kasher et pratique le shabbat. Il étudie également l’hébreu et essaie même de se familiariser avec le Talmud. Le plus dur semble être l’abandon du porc pour cet Hongrois grand amateur de saucisses et autres charcuteries.

La “conversion” prit son temps, mais Szegedi est en fait tombé amoureux du judaïsme. En faisant d’autres recherches, il découvrit que son grand-père était juif aussi. Celui-ci avait été marié auparavent, et sa femme et ses deux filles périrent à Auschwitz. Il se maria avec Magdolna lors d’une céremonie ultraorthodoxe après la guerre, mais par la suite le couple prit ses distances avec la réligion. La mère de Szegedi savait, mais ne devait surtout rien dire, de crainte d’un nouvel Auschwitz.
Csanad Szegedi, lui découvre un nouveau monde. Il est même allé à Yad Vaschem. Et, surtout, il a demandé pardon pour ses anciennes déclarations antisémites. Il n’est jamais trop tard.
Pour rappel: en 1941, 825 000 Juifs vivaient en Hongrie, dont 100 000 convertis ou chrétiens d’ascendance juive. 501 500 déportés à Auschwitz ou envoyés au Service du Travail des armées périrent. Seuls 116 500 juifs sont revenus des camps. 119 000, restés à Budapest, ont survécu.
Vibeke Knoop