
L’écrivain algérien Boualem Sansal, qui depuis plusieurs années collectionne en France les Prix littéraires (“Le serment des barbares”, “Le village de l’Allemand”, “Rue Darwin”), vient de publier (septembre 2013) chez Gallimard un ouvrage qui fait froid dans le dos mais qui, curieusement, n’a pas eu dans la presse l’écho qu’il mérite. “Gouverner au nom d’Allah” (éditions Gallimard, CLIQUEZ ICI), en effet, va sensiblement à contre-courant du politiquement correct, de la bonne conscience de nos politiques et de l’aveuglement général. Il s’agit en effet d’une mise au pilori sans concessions de l’islamisme politique, qui “s’attaque à la démocratie en usant de la démocratie avec art et subtilité”. Il s’agit d’une “instrumentalisation de l’Islam dans une démarche politicienne critiquable et condamnable”. Ainsi, “contrôle de la société et prise de pouvoir” étant les buts déclarés, le mouvement n’hésite pas à recourir au terrorisme pour parvenir à ses fins. Il dispose pour cela de moyens financiers illimités, fournis par de grandes puissances pétrolières du Golfe, au premier rang desquelles l’Arabie Saoudite et le Qatar (voir à ce sujet l’édifiant ouvrage des reporters Chesnot et Malbrunot chez Laffont: “Qatar, les secrets du coffre-fort”).
Toutefois, dans le contexte mondial anxiogène actuel (crise économique sans fin, insécurité, mondialisation sans éthique), le politiquement correct fait des ravages, si bien que l’on s’interdit même l’emploi du mot “terrorisme”. Ainsi, lors de la récente expédition militaire au Mali, notre Président n’a jamais dit qu’on allait combattre le “terrorisme islamiste”. Comme le dit Sansal, “on se demande contre qui se sont battus les soldats français, et qui a détruit Tombouctou et massacré ses habitants”. Il y a là trahison des militaires français qui se battaient contre les islamistes d’AQMI. Trahison des otages français entre leurs mains. Trahison des Maliens qui ont souffert sous leur férule. Trahison des musulmans, qui savent bien ce qui nuit à leur religion et à leur pays. “Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde”, disait Camus.
Cette langue de bois, cette véritable cécité verbale fait tache d’huile, car les financiers de ces mouvements criminels sont parmi nous, sans que l’on s’en offusque. Mais peut-être pourrait-on interroger à leur sujet nos malheureux amis tunisiens, qui savent les basses manœuvres du Qatar, lequel achète des terres et finance les islamistes que nous prétendons combattre. Lorsqu’on reçoit nos politiques, on se fait un plaisir de les balader en limousine blindée sur le front de mer pour leur montrer les palaces hyperluxueux; mais que savent-ils, par exemple, de la condition des femmes, à qui n ‘est offerte qu’une alternative: voilées ou violées? Il est bien loin, Bourguiba le réformateur…Mais cela n’effleure même pas nos politiques, tétanisés par la peur, et rejoints en cela par une presse “ aux ordres”, qui ose écrire que ces pays “ne sont pas si mal notés par les organisations internationales des Droits de l’Homme”! Tiens, tiens: j’ai pourtant cru lire, dans plusieurs quotidiens français, que le Qatar comptait environ 3 à 400.000 locaux, plus environ 2 millions d’étrangers, parmi lesquels un prolétariat philippin, indien ou pakistanais dont le sort s’apparente de très près à un esclavage qui ne dit pas son nom. J’ai cru lire aussi que, sur le chantier de la Coupe du Monde de foot-ball 2022, quelques ouvriers sont morts, victimes de conditions de travail désastreuses, et que cela avait été pointé du doigt par Human Rights Watch, en plus d’autres atteintes flagrantes aux Droits de l’Homme. J’ai lu encore … mais sans doute me suis-je trompé. Et après tout, pourquoi faire la fine bouche quand ces pays vont fournir du travail pour 10 ans à nos entreprises dans le cadre de l’Exposition Universelle de 2020, de la Coupe du Monde de hand-ball 2015 et de la Coupe du Monde de foot-ball de 2022? Financer tous ces événements et fournir des armes aux terroristes de Libye, du Mali ou de la Syrie, il faut croire que tout cela n’est pas incompatible…
En tout cas, notre gouvernement s’en accommode fort bien. Il est vrai que des pays qui achètent des Airbus par centaines, ça ne court pas les rues! Et puis, si l’hiver est rigoureux, nous serons bien chauffés! Alors, n’est-ce pas, la nausée, c’est désagréable un moment, mais ça finit par passer…
Ceux qui accorderaient peu de crédit à ce texte auront grand intérêt à se procurer le livre de Monsieur Sansal, paru chez Gallimard, et qui met à mal nos consciences occidentales.
Guy Zerhat