AU NOM DU PERE
Séance du 21 mai 2013
Thème : le terrorisme
Débatteur : Me. William Bourdon
Deux volets dans ce film : le terrorisme nord-irlandais et l’erreur judiciaire. Le débatteur était Me William Bourdon, spécialisé dans les atteintes aux Droits de l’Homme, qui a défendu un certain nombre de terroristes, notamment les Français de Guantanamo, ainsi que des jeunes de banlieue détenus pendant des mois. Il a participé à la rédaction d’ouvrages collectifs sur la difficulté, pour les démocraties, de lutter contre le terrorisme sans céder à la barbarie, ayant toujours à l’esprit la phrase de Voltaire: “Préférer 100 coupables en liberté à un innocent en prison”.
La lutte contre le terrorisme peut-elle justifier les mauvais traitements (torture, détention prolongée, faux témoignages, preuves “fabriquées ”)? Bien évidemment non. A ce sujet, que penser de l’usage de drones, qui permettent d’assassiner sur un simple clic, sans aucun procès? On met là le doigt dans un engrenage dangereux avec atteinte aux droits universalistes de l’homme. Serait-ce un terrorisme d’Etat?
Pourquoi voit-on des suspects qui, sans être torturés, avouent des crimes qu’ils n’ont pas commis? Tout simplement parce qu’ils sont à bout, et ils “craquent”. Des aveux contre une souffrance infinie, le troc est malsain, il est certes rare, mais il existe!
Les Français de Guantanamo n’étaient pas très malins, beaucoup trimbalaient des problèmes identitaires, mais simplement, ils étaient au mauvais endroit, au mauvais moment (tout comme le héros du film). Mais il est vrai que pour un avocat, il est difficile de “tenir” sans céder à la colère ou au découragement. Et inévitablement, dans une lutte contre le terrorisme où il ne faut pas se laisser guider par l’émotion, il y a des innocents qui “trinquent”.
Autre chose: avec l’IRA, en Irlande, il y a eu des négociations, alors qu’avec certaines organisations terroristes d’aujourd’hui (AQMI, par exemple), on sait dès le départ qu’aucune négociation n’est possible; sans parler de l’auto radicalisation de certains…
Un des effets de l’hyper terrorisme est de conduire les démocraties à se saborder. C’est ainsi que certains intellectuels ont conceptualisé l’idée que “la fin justifie les moyens”, ce qui n’a jamais été démontré.
Dans le cas de Guantanamo, il est évident qu’Obama a échoué, qu’il n’a pas tenu sa promesse, ceci pour différentes raisons:
-Il n’avait la majorité ni au Sénat ni à la Chambre des Représentants.
-Il n’a pas eu le courage politique d’affronter l’opinion publique.
Or, Guantanamo est un double fiasco:
-Fiasco d’image, car l’image des détenus a fait des dégâts considérables dans l’opinion publique arabe.
-Fiasco technique: sur 780 détenus, seuls 12 sont en voie d’être jugés, et beaucoup ne peuvent être renvoyés dans leurs pays.
Certes, face à un nouvel ennemi, il est normal que la loi s’adapte, mais l’avocat ne saurait en aucun cas transiger sur les deux principes fondamentaux que sont les droits de la défense et l’interdiction de la torture.
Question délicate: y a-t-il un “terrorisme légitime”? On doit répondre par la négative, tout en sachant que les choses peuvent évoluer:
-Certains ont été terroristes pendant plus de 30 ans, puis négociateurs de paix (Arafat).
-Des résistants français ont certes commis des crimes, et ont été plus tard “légalisés” par leur pays.
Quelle que soit la forme prise par le terrorisme, un curseur est infranchissable: il ne doit pas faire de victimes civiles. Ainsi, les opposants au régime iranien ne commettent d’attentats que contre des cibles militaires ou institutionnelles.
En fait, il n’y a pas de définition internationale du terrorisme, mais on peut penser que l’hyper terrorisme pourra un jour relever de la Cour Pénale Internationale.
Et l’on termine en revenant au film: dans une démocratie, on ne condamne jamais quelqu’un sans preuves. D’autre part, il ne faut pas fabriquer chez les policiers une “culture de l’impunité” (car aucun des policiers anglais qui ont torturé et fabriqué des preuves n’a jamais été inquiété ni puni).
Le film était certes long, mais très beau et très émouvant. Le débat aura été plus bref, mais clair et explicite, malgré la complexité du sujet.
Que tous en soient remerciés, c’était une belle matinée Mémoire 2000.
Guy Zerhat